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LORIOUX FÉLIX (1872-1964)

Né à Angers, Lorioux se forme à l'École des beaux-arts de Paris où son tempérament de flâneur dilettante (qui le fait hésiter entre peinture et musique) lui permet de découvrir l'Art nouveau international comme l'estampe japonaise. Une rencontre en 1910 avec les frères Draeger, imprimeurs spécialisés dans la publicité, le décide à se lancer dans le dessin publicitaire (grands magasins, automobiles Brazier, Citroën...) tout en collaborant à la presse illustrée (La Gazette du bon ton) et enfantine : il illustre pour Mon Journal des contes édités ensuite par Hachette en volumes (Contes merveilleux, 1916 ; Le Roman de Renart, 1925). Ces pages en couleurs aux formes exubérantes attestent l'influence de Kay Nielsen mais aussi de Rackham dans le recours aux ombres chinoises. Il donne sa mesure de dessinateur dans les deux volumes des Contes de Perrault (1926) : il y déploie un merveilleux gai et fantaisiste où son expérience de publicitaire lui suggère des trouvailles (larges yeux jaunes, énorme langue rouge du loup, moustaches et queue lucifériennes du chat botté). Il peuple ses compositions d'une foule de comparses secondaires, bestioles sympathiques à poil et à plume. En coloriste affirmé, Lorioux fait chanter sa palette, juxtapose du rouge, du jaune, du mauve et de l'orange, ne craint pas le bleu tendre et le rose, crée un climat de fête. D'autres « albums Lorioux » suivent : l'évocation superbe du naufrage dans Robinson Crusoé (1930) avoue un hommage à la vague d'Hokusai tandis que l'hymne à la nature édénique est célébré par des teintes lumineuses et des compositions pleines de longues diagonales incurvées.

Car chez Lorioux la forme n'est jamais sobre (à l'inverse de son contemporain Hellé) : le graphisme sûr et précis exacerbe la courbe, multiplie le détail, emplit la page d'éléments secondaires. La prolifération des fleurs et des insectes, badauds de l'action, décrits avec amour par l'ornemaniste qu'est Lorioux, marque son goût de bon artisan pour l'anecdote, le pittoresque : dans Le Petit Chaperon rouge, il est du côté de l'héroïne, musant avec elle sur le sentier plein de fleurs et de papillons, dans un climat fort éloigné de la dramaturgie fantastique élaborée par Gustave Doré, par exemple. La valeur divertissante de l'image est encore attestée par le recours fréquent au renversement des proportions, propre au style publicitaire.

C'est en animalier passionné que Lorioux illustre La Fontaine et Buffon, dans une série de superbes formats carrés édités par Marcus pendant la guerre avec un luxe technique qui restitue la transparence des aquarelles originales et les débuts du trait, ainsi que le respect des cadrages (les parties hors cadre ne sont pas censurées). L'animal de la fable, humanisé et habillé de pied en cap, est replacé dans un contexte scénique empreint de bonhomie et de sensualité : le monde animal de Lorioux, aussi éloigné de la grinçante satire de Grandville que de la comédie spirituelle et allusive de Boutet de Monvel, annonce plutôt l'image animée de Disney (pour le compte duquel d'ailleurs il dessine les albums des Silly Symphonies parus chez Hachette dans les années 1930, d'après les films...).

Avec les cinq volumes du Buffon des enfants, sa dernière œuvre marquante (Marcus, 1943-1948), Lorioux centre son personnage animal dans un environnement corrigé par l'esprit de fantaisie ; jamais statique, l'insecte ou l'oiseau est représenté en situation, acteur maître de son univers, mû par une gestuelle contagieuse, telle celle de l'araignée happant simultanément ses proies en fuite ; aussi le grillon funambule animant des rondes de coccinelles, la mante dévorant son époux sous le regard épouvanté de la digitale sont-ils les protagonistes d'un milieu naturel irréel et poétique réinventé pour les enfants.[...]

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