MENDELSSOHN-BARTHOLDY FELIX (1809-1847)
Tenu de son vivant pour le successeur de Beethoven, Mendelssohn occupe aujourd'hui une place plus modeste dans l'histoire de la musique que celle de son illustre devancier. Pour les uns, il est un classique attardé, trop amoureux de la forme en un temps où le sentiment veut s'épancher sans contraintes ; pour d'autres, un sage initiateur du romantisme à la suite du grand symphoniste, quoique autrement que lui. Le romantisme lumineux du Songe d'une nuit d'été que n'assombrit pas la passion ignore tout autant les affrontements angoissés d'Eusébius et Florestan que les grondements hugoliens ou les rivages obsédants de la Fantastique. Il est mal porté d'être heureux au siècle d'Hernani. Est-ce une raison pour lui reprocher on ne sait quel manque de profondeur, comme si la fortune et le succès qui accompagnèrent fidèlement sa trop courte carrière en étaient le motif ? Mozart, à qui aussi il fut comparé – et par Wagner ! –, écrivit, dans la misère, des pages sereines, et l'heur, bon ou mauvais, ne fut jamais un sûr critère pour apprécier sainement Couperin ou Bach, Boulez ou Stravinski. Le musicien du Concerto pour violon, de l'Octuor et d'Elias « représente d'une manière irremplaçable un moment de la sensibilité européenne du xixe siècle » (Dorel Handman).
Une carrière harmonieuse
Petit-fils du philosophe Moïse Mendelssohn (1729-1786), Felix naît à Hambourg où son père, converti au luthéranisme (il a ajouté à son nom celui de Bartholdy pour distinguer sa lignée de celle demeurée dans le judaïsme), dirige une banque. En 1811, toute la famille s'établit à Berlin. Le jeune garçon reçoit là une éducation sérieuse dans les domaines les plus variés – lettres, peinture, sport, philosophie (il va suivre les cours de Hegel) – tout en cultivant un don exceptionnel pour la musique. Sa mère et sa sœur Fanny sont des musiciennes authentiques : sa grand-tante, Sara Levi-Itzig, ancienne élève de Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784), lui fait connaître les œuvres du Cantor de Leipzig. Ses parents organisent chaque dimanche des heures musicales que fréquentent tous les artistes en renom de passage à Berlin. Enfin, des voyages à l'étranger, notamment à Paris, complètent la formation du musicien.
Génie précoce incontestable, Mendelssohn a composé entre douze et quatorze ans un impressionnant corpus de douze symphonies, le plus souvent pour instruments à cordes. Ces œuvres ont longtemps dormi, comme beaucoup d'autres, dans les recueils de la Deutsche Staatsbibliothek de Berlin. Elles contiennent déjà des trouvailles inattendues : ainsi les altos divisés en trois dans le deuxième mouvement de la Huitième Symphonie, en ré majeur (1822), les violons divisés en quatre dans la Neuvième, en ut majeur (préfigurant la technique wagnérienne), ou encore l'abondant chromatisme, très neuf pour l'époque, dans la Douzième, en sol mineur, « laissant entrevoir des horizons qui furent explorés beaucoup plus tard par Reger et Hindemith » (H. C. Wolff).
La qualité de l'Octuor pour cordes, op. 20 (1825), révèle un talent comparable à celui de Schubert ou de Mozart adolescents. L'année suivante, l'irréfutable chef-d'œuvre qu'est l'Ouverture pour le Songe d'une nuit d'été témoigne de son entrée pour toujours dans l'histoire de la musique. Goethe, qui le reçoit à Weimar, est subjugué par l'intelligence et le génie du pianiste ; il ne se lasse pas de l'écouter improviser. Passionné de tout ce qui est musical, Mendelssohn parcourt l'Europe à la fois comme pianiste virtuose, à l'instar de Sigismund Thalberg, de Liszt ou de Ignaz Moscheles, et comme chef d'orchestre. La sobriété et la précision de ses gestes s'allient à une vigueur qui galvanise les musiciens, au dire du violoniste Josef Joachim.[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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Média
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