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MENDELSSOHN-BARTHOLDY FELIX (1809-1847)

Un artiste méconnu

On est en droit d'attendre un rigoureux décapage, non seulement des Lieder sans paroles, mais aussi de l'œuvre d'orgue, composée à une époque où la facture romantique, telle qu'elle fut illustrée plus tard, n'existait pas. Ce n'est point l'instrument  d'après  1860  de  Walcker  ou  de Cavaillé-Coll qui convient à ses fugues et à ses sonates, mais l'orgue cousin germain des Silbermann et des Schnitger : l'anachronisme où sombre une interprétation conventionnelle éviterait ainsi un faux-sens. On est aussi en droit d'espérer que soient dévoilés la puissance dramatique, le sombre coloris, l'âpreté rythmique de pages telles que le Trio en ut mineur, op. 66, les Quatuors en la mineur, op. 13, et en fa mineur, op. 80 (à la mémoire de Fanny) ou la splendeur orchestrale du ballet des sorcières dans Die erste Walpurgisnacht qui enchantait Berlioz, sans doute par sa richesse inventive dans l'emploi inédit des percussions.

Mendelssohn est un des musiciens du xixe siècle parmi les plus inspirés qui aient écrit pour chœur. À côté des deux oratorios achevés (Paulus, Elias) dont le dramatisme choral renoue avec la tradition baroque et classique du siècle précédent, les nombreuses pages de musique religieuse chorale injustement délaissées, du moins en France, multiplient à l'envi les exemples de l'exploration éminemment variée de ce domaine musical ; ainsi avec l'hymne Hör mein Bitten (Écoute ma prière) dont la manière polyphonique, l'originalité de la pensée, l'usage d'un coloris vocal renouvelé se situent nettement entre l'art de Schubert et celui d'un Max Reger ; ou encore, parmi les trois Motets pour voix de femmes, op. 39, le souffle de louanges qui anime le psaume 112, Laudate Pueri. Qui donc à son époque a écrit un Vespergesang, op. 121, pour voix d'hommes seulement, avec cet équivalent d'un continuo de violoncelle, et cette richesse austère et solide d'un contrepoint plein d'émotion ? Ce sont quelques dizaines de pages qu'il faudrait ici évoquer.

A-t-on jamais relevé dans l'analyse poétique du style mendelssohnien cette prescription qui exige un accelerando dans les fugues pour orgue et piano ? D'aucuns à notre époque, tel Henri Pousseur, ont déploré le caractère suranné de la fugue au xixe siècle ; ont-ils perçu en quoi cette dramatisation d'une forme ancienne venait lui insuffler un sang neuf et en renouveler l'attrait ? Ou bien faut-il croire que Mendelssohn avait entendu des dépositaires vivants de la tradition d'interprétation du « vieux Bach » jouer dans cet esprit les fugues du Cantor de Leipzig ?

L'influence de Mendelssohn fut immense. On se bornera à citer, sans marquer ce que chacun lui doit : Robert Schumann, Niels Gade, Charles Gounod, Camille Saint-Saëns, Alexandre Borodine, César Franck, Richard Strauss, les musiciens de l'oratorio anglais, Richard Wagner (dont l'un des leitmotive de Parsifal  cite  les  mesures  33-41  de  la Cinquième Symphonie « Réformation »), Darius Milhaud...

Une étude psychologique dévoilerait des raisons ignorées de l'activité dévorante du nerveux et susceptible Mendelssohn, de son instabilité  voyageuse,  de  son  malheur méconnu, de son obsession de la mort et de sa passion religieuse. Étrangère à la fascination du mal, sa limpidité n'est pas que naturelle ; il portait en lui l'inquiétude romantique, mais il la transposa dans une eurythmie de la forme. Sa vie a brûlé comme un feu énergique d'une impatience, à la fin, presque désespérée. Cela expliquerait, peutêtre, que, pour les mêmes motifs que Mozart et Schubert, le svelte et exquis musicien mourut trop jeune, à un âge où tout promettait encore de fleurir.

— Pierre-Paul LACAS

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

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Média

Mendelssohn-Bartholdi - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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