FÉMINISME France : du M.L.F. à la parité
Dans le sillage de Mai-68, le Mouvement de libération des femmes avait situé ses luttes dans une contestation radicale de l'ordre patriarcal, délaissant le débat politique classique pour inscrire au cœur de la culture sa volonté absolue de voir abolie l'oppression des femmes. Avec la loi du 8 juillet 1999, le principe de parité, c'est-à-dire de représentation à égalité des hommes et des femmes dans les institutions élues de la République, s'inscrit tout au contraire comme la conquête d'un « nouveau féminisme » qui aurait réorienté ses revendications vers le champ politique.
Sans mentionner le mot lui-même, la France est le premier pays à consacrer la parité en droit constitutionnel (1999). Cette réforme remet en cause l'édifice juridique et philosophique de l'universalisme républicain, obligeant à repenser les termes de la relation entre égalité et différence des sexes. Le mouvement des femmes est à l'origine de cette « révolution constitutionnelle », que le souci de modernisation éprouvé par la gauche et l'ouverture européenne ont permis de faire passer dans la réalité politique, non sans avoir suscité une résistance marquée.
Féminisme des années 1980 : des victoires à la Pyrrhus ?
À la fin des années 1980, en France, les victoires du féminisme semblaient acquises, célébrées dans la presse et reflétées par l'industrie publicitaire : on se plaisait à représenter les femmes sous les traits de Superwomen « assurant » sur tous les fronts, pour cumuler, de plus en plus souvent seules, vies familiale, professionnelle et affective... Cette célébration médiatique de la réussite de quelques rares « battantes » promues au rang de modèles dissimulait une réalité féminine profondément marquée par l'inégalité, voire la précarité, dont l'I.N.S.E.E. dressait froidement le constat. En 1988, la situation politique, économique et sociale des femmes était plutôt morose : elles représentaient moins de 45 p. 100 de la population active mais nettement plus de la moitié des chômeurs, l'écart des salaires entre hommes et femmes sur le marché du travail était de 30 p. 100 et la moitié des femmes gagnaient moins de 5 500 francs par mois. Surreprésentées dans les formes précaires d'emploi que la flexibilisation du marché du travail, menée dans la seconde moitié des années 1980, avait facilitées, elles étaient par contre largement sous-représentées dans toutes les instances de décision privées ou publiques. En 1990, formant 53 p. 100 de l'électorat, elles n'étaient que 5,5 p. 100 des députés et 3,4 p. 100 des sénateurs.
On pouvait alors être frappé par le reflux des mouvements de femmes, interprété par certains comme le signe de leur victoire historique. Le journal Le Monde du 21 novembre 1987 remarquait que les mouvements de femmes s'estompaient à mesure que celles-ci voyaient leurs revendications satisfaites et que les acquis juridiques étaient venus réduire les inégalités. La presse de gauche, célébrant vingt ans après la « génération tant aimée », traitait déjà les féministes comme d'anciennes combattantes. L'antiracisme de ces années-là ou le mouvement lycéen-étudiant de 1986 eurent naturellement leurs égéries, mais qui se souvient aujourd'hui d'Hayette Boudjema, de Delphine Batho, d'Isabelle Thomas ? Elles ont bien vite été relayées par leurs grands frères. Les femmes, et particulièrement les jeunes femmes, étaient-elles enfin devenues, selon les vœux de certaines féministes historiques, des « hommes comme les autres » ? Au même moment, les milieux conservateurs se félicitaient, rassurés, que les femmes puissent enfin réussir sans avoir à jeter aux orties leurs rôles d'épouse et de mère. Le 26 février 1988, sous le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Muriel ROUYER : professeur de science politique
Classification
Média
Autres références
-
1848 ET L'ART (expositions)
- Écrit par Jean-François POIRIER
- 1 189 mots
Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...
-
ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures
- Écrit par Nicole BARY , Claude DAVID , Claude LECOUTEUX , Étienne MAZINGUE et Claude PORCELL
- 24 585 mots
- 33 médias
...littérature des femmes à l'écriture introspective du moi et à l'écriture-thérapie qui sera le ferment du courant dominant de la littérature des années 1980. Oppression, soumission, répression sexuelle, viol, solitude, isolement, froideur sont les thèmes principaux de la littérature des femmes qui n'évite ni... -
ALLEN PAULA GUNN (1939-2008)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 566 mots
Poétesse, romancière et essayiste américaine, Paula Gunn Allen mêle dans son œuvre les influences du féminisme et de ses racines amérindiennes.
Paula Gunn Allen, née Paula Marie Francis le 24 octobre 1939 à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, est la fille d'un Américain d'origine libanaise et d'une...
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature
- Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ , Jacques DARRAS , Jean GATTÉGNO , Vanessa GUIGNERY , Christine JORDIS , Ann LECERCLE et Mario PRAZ
- 28 170 mots
- 30 médias
Le roman néo-réaliste des années 1950 a rencontré un écho dans le roman féministe, apparu au cours des années 1960. Là aussi, on décrète que la littérature, pour sonner juste et avoir quelque force, doit être tirée du vécu ; seconde source d'inspiration : le culte de la solidarité féminine, qui a pour... - Afficher les 104 références