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FÉMINISME France : du M.L.F. à la parité

L'opportunité politique : la gauche au pouvoir et l'impulsion européenne

L'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 changea la donne féministe et occasionna ce que certaines féministes considèrent comme un « repli » du M.L.F., du moins en tant que mouvement social. L'heure n'était plus à la révolution, mais aux réformes. François Mitterrand s'était voulu le candidat des femmes, quoiqu'elles n'aient pas voté en majorité pour la gauche. L'ancienne tendance psychépo du M.L.F. avait appelé les femmes à voter pour le candidat socialiste dès le premier tour. Tandis qu'il modernisait la gauche, ralliant les gauchistes d'hier, le mouvement des femmes perdait ses repères. Sa stratégie de contestation devenait moins pertinente face à un gouvernement prônant un féminisme égalitaire, réformiste, à l'écoute des femmes, même si la crise économique, à partir de 1983, allait bientôt restreindre son action.

En 1981, Yvette Roudy avait pris la tête du ministère des Droits de la femme – et non plus à la « condition » féminine, terme résigné qu'avait choisi la droite en créant le premier secrétariat d'État en 1974. Le féminisme d'État fut à l'origine de grandes lois pour les femmes entre 1981 et 1986 : remboursement de l'I.V.G. par la Sécurité sociale, amélioration du statut des femmes d'artisan et instauration d'un congé de maternité rémunéré pour l'ensemble des femmes de professions indépendantes en 1982, égalité professionnelle entre hommes et femmes (1983), recouvrement des pensions alimentaires impayées par les organismes prestataires d'allocations familiales (1984) ou encore usage du nom patronymique de la mère (1985). Le train des réformes passé, on convertit le ministère en un simple secrétariat d'État chargé du Droit des femmes en 1988. Alors que les femmes avaient, cette fois dans leur grande majorité, soutenu la gauche, celle-ci ne leur offrait plus qu'un ministère alibi, occupé à gérer un quotidien désenchanté : de 1988 à 1993, le secrétariat d'État orientait ses campagnes contre les violences conjugales, le harcèlement sexuel, l'amélioration des droits à la contraception.

Dans ce cadre, le mouvement des femmes, subdivisé en associations diverses voire rivales, optait pour un dialogue plus ou moins critique avec les autorités publiques. Le mouvement social se muait en groupe de pression, mobilisé suivant les cas pour l'application du droit à l'avortement et à une contraception libre et remboursée, contre le harcèlement des femmes au travail et les atteintes à leur image dans les médias. Il s'opposait aussi aux mesures familialistes du gouvernement Juppé, inspirées par le rapport Codaccioni sur la politique familiale (oct. 1993), et engageait la lutte contre certains réseaux de l'extrême droite catholique multipliant les entraves à l'avortement. Ainsi, le 25 novembre 1995, une manifestation rassembla à Paris plus de 40 000 personnes à l'appel de la Coordination pour le droit à l'avortement et à la contraception, renouant ainsi avec les modes d'action du mouvement social.

Mais une réalité apparaissait de plus en plus choquante à l'heure du féminisme institutionnel : la faible présence des femmes en politique. Ce fait ne pouvait devenir un grief qu'une fois intégrée la perspective réformiste. Dès la fin des années 1980, remarque Françoise Gaspard, la réflexion féministe avait interrogé, de manière critique, les rapports entre le pouvoir politique et les femmes, spécialement en démocratie. Les travaux de Geneviève Fraisse et de Michèle Le Doeuff ou encore les études parues, en 1991 et 1992, dans Histoire des femmes en Occident dirigé par Michelle Perrot, tendaient à démontrer que la démocratie excluait structurellement les femmes, leur exclusion[...]

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Simone Veil - crédits : Philippe Ledru/ AKG-images

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