FÉMINISME Histoire du féminisme
Le féminisme est une notion à la fois trop générale et trop complexe pour qu'on puisse évaluer son contenu, ses objectifs, ses argumentations, son importance historique, avant d'avoir posé la question du terme lui-même.
Apparu au xixe siècle et attribué, à tort semble-t-il, à la pensée utopique de Fourier, on le trouve sous la plume d'Alexandre Dumas fils en 1872, puis dans la plupart des textes et thèmes féministes après 1890 en France et à l'étranger. En fait, Dumas emprunte le mot au langage médical, qui fabrique ce néologisme, autour de 1870, à des fins nosographiques pour qualifier un arrêt de développement et un défaut de virilité chez des sujets masculins. On notera donc, non sans stupéfaction, que le vocabulaire politique s'empare du mot « féminisme » pour caractériser les femmes qui, revendiquant l'égalité avec les hommes, semblent vouloir leur ressembler, tandis que le vocabulaire médical a usé de ce terme pendant quelques décennies pour caractériser des hommes d'apparence féminine. Dans cette question de mots et de langage, le féminisme sert toujours à désigner l'autre, l'autre sexe, qu'il soit homme ou femme, comme étant susceptible d'abolir la différence sexuelle. Dans les deux registres, médical et politique, le féminisme est un cas limite où la différence sexuelle est menacée.
Les usages historiques d'un terme
L'histoire a donné, de préférence, un sens politique au mot « féminisme ». Ce sens s'est imposé par la double référence à Fourier et à Dumas fils, à partir des deux courants théoriques et politiques du xixe siècle, la pensée utopique, socialiste et marxiste, et la pensée républicaine et démocratique. L'apparition du néologisme « féminisme » coïncide avec l'avènement de la IIIe République et l'on imagine comment l'apparition de l'individu citoyen peut impliquer l'identité, voire l'égalité, de l'homme et de la femme, ce qui évoque une apparente neutralisation de la différence sexuelle. Cependant, c'est à l'autre tradition que le féminisme d'aujourd'hui s'est référé : reprenant lui aussi à son compte une dénomination fabriquée par un observateur extérieur – ici les médias, après la « commémoration », en 1970, de celle qui est plus inconnue que le soldat inconnu lui-même, sa femme –, il s'est appelé M.L.F., Mouvement de libération des femmes. Comme il y eut un mouvement ouvrier, il y a un mouvement des femmes, c'est-à-dire un mouvement social et politique, expression d'un groupe social porteur d'une demande de changement général et global de société. Ces deux traditions sont réunies dans la définition du féminisme qu'a proposée Léon Abensour au début du xxe siècle : « cas d'aspiration collective vers l'égalité » (Histoire générale du féminisme, 1921).
1970 ne fut pas, comme on le crut alors, l'année zéro du féminisme . Il y a une histoire du féminisme, que les spécialistes ont la plupart du temps négligée et que les femmes n'ont pas su transmettre dans la mémoire des générations. Cette histoire, comme phénomène collectif, se fait au xixe siècle. Déjà, pendant la Révolution française, les femmes expriment çà et là une volonté collective où la prise de conscience de leurs problèmes spécifiques va de pair avec leur désir d'appartenir, comme les hommes, à la nouvelle société politique. Des cahiers de doléances, des pétitions, des clubs politiques et la célèbre Déclaration des droits de la femme d'Olympe de Gouges sont les premiers éléments de cette pratique militante. Mais c'est à partir de 1830, avec l'émergence des mouvements utopistes, en particulier saint-simoniens et fouriéristes, que des femmes se présentent clairement comme constituant un groupe de sujets politiques,[...]
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Écrit par
- Geneviève FRAISSE : chargée de recherche au CNRS
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