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FÉMINISME Histoire du féminisme

Unité et multiplicité des formes du féminisme

Le féminisme exprime son unité doctrinale autour d'un axe principal, la volonté d'égalité entre les sexes, formulée comme identité, ressemblance ou analogie, parfois même complémentarité. Ainsi, toute définition du féminisme est d'emblée restrictive, tant les formes particulières de ses manifestations sont équivoques : tendances et oppositions sont, comme ailleurs, le lot de ce courant de pensée et d'action. La dénomination elle-même fait difficulté : hier, on parlait d'affranchissement ou d'émancipation ; aujourd'hui, on peut distinguer le féminisme du mouvement de libération des femmes (ou même du « mouvement des femmes »). Revendiquer l'une ou l'autre expression n'est pas indifférent ; cela alimente même des querelles idéologiques. Néanmoins, tout le monde fut longtemps d'accord pour reconnaître la possibilité que coexistent ensemble des groupes et des tendances, car il était clair, pour finir, que l'adhésion d'une femme à cette représentation collective fût toujours intimement individuelle.

On pourrait rendre compte de l'unité et de la multiplicité du féminisme au moyen de quelques figures paradoxales propres à présenter ses différents aspects, sans les simplifier. Le premier paradoxe pose la question de l'identité. Qui est féministe ? Qui est d'accord avec le féminisme ? Il peut sembler évident de se dire féministe, car qui serait contre l'égalité des sexes à la fin du xxe siècle ? Si c'est un homme qui parle, il peut tenir ces propos tout en étant absolument misogyne dans sa pratique domestique, professionnelle ou politique. Il distingue aussi soigneusement le féminisme des féministes, dont l'image n'est pas bonne. Cela explique qu'inversement il soit fréquent qu'une femme ne se dise pas féministe. « Je ne suis pas féministe, mais... », dit celle qui s'apprête à faire des déclarations précisément féministes. Le paradoxe est dans cette identification abusive ou refusée : au moment où se diffusent dans la société des pratiques d'autonomie et des demandes d'égalité, l'image caricaturale de la féministe hystérique et malheureuse en ménage perdure au profit de la méconnaissance de ce que fut le féminisme comme réalité collective socialement efficace.

Avant d'être une pratique collective, le féminisme fut, quitte à ce qu'on emploie le mot de façon anachronique, une attitude individuelle dont on trouve des traces anciennes dans les sociétés occidentales. Dès le xve siècle, après Christine de Pizan, des femmes, et quelques hommes, écrivent pour « défendre » le sexe féminin et imaginer une égalité entre les sexes. Si le féminisme devient, à partir du xixe siècle, un mouvement social et politique, c'est parce que les conditions historiques le rendent possible : l'avènement de la démocratie, l'apparition du travail salarié et le déclin du christianisme sont, notamment, des facteurs propices à une redéfinition du rapport entre les sexes. Or cette double inscription historique, à la fois ancienne et contemporaine, explique peut-être le malaise théorique et pratique de chaque période féministe de l'ère contemporaine. L'alliance, nécessaire mais toujours conflictuelle, du féminisme avec le socialisme et le marxisme a compliqué la tâche de la pensée féministe, prise, de fait, dans un système contraignant de références. Ainsi, les concepts de lutte de sexes, de classe de femmes ou de rapports sociaux de sexes, directement importés du vocabulaire marxiste, soulignent cette difficulté : la lutte des classes est historiquement plus déterminée que la lutte des sexes ; et, de manière générale, l'histoire du conflit entre les sexes, même si elle prend des formes spécifiques suivant les époques, souligne toujours quelque chose d'intemporel[...]

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