FEMMES ARTISTES / ARTISTES FEMMES (C. Gonnard et É. Lebovici)
Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici ont associé leur savoir et leur talent pour nous livrer le premier ouvrage thématique et historique sur les artistes femmes à Paris, de 1880 à nos jours (Femmes artistes/Artistes femmes, Hazan, 2007). Le théâtre en est d'abord le Paris très cosmopolite de la fin du xixe siècle où convergent les ambitions artistiques de jeunes filles venues de toute l'Europe, parmi lesquelles des Russes, comme Sonia Delaunay, des Espagnoles ou encore des Allemandes comme Paula Modersohn-Becker ou Gabriele Münter. Paris encore, à partir de 1945, où, même si le centre de la création artistique se déplace outre-Atlantique, nombre d'artistes choisiront d'y vivre un temps comme Nancy Spero ou encore Joan Mitchell, qui elle, s'installe en France définitivement. Livre militant, puisqu'il s'agit, avant tout, de la lutte de femmes qui, tout au long du xxe siècle, vont œuvrer pour parvenir à s'affirmer en tant qu'artistes à part entière dans un univers dominé pour l'essentiel par les hommes, il s'agit aussi d'un ouvrage de référence scientifiquement élaboré et remarquablement documenté, qu'il s'agisse des biographies, qui s'inscrivent en marge de chaque étude, des divers entretiens réalisés avec les artistes d'aujourd'hui, des notes additionnelles ou encore du choix des illustrations. Les auteurs ont en effet privilégié, chaque fois que cela était possible, l'image de l'artiste dans son atelier – symbole, s'il en fut, de l'entrée des femmes dans la profession d'artiste.
Jusqu'à la fin du xixe siècle, l'histoire de l'art a été cruelle avec les femmes, si l'on en juge par cette phrase lapidaire de Gustave Moreau : « L'intrusion sérieuse de la femme dans l'art serait un désastre sans remède. »... Ou encore par celle d'Octave Uzanne, en l905 : « La femme de génie n'existe pas ; quand elle existe c'est un homme. » L'ouvrage débute ainsi, avec les premières revendications pour l'ouverture aux femmes de l'école des Beaux-Arts – elle sera effective en 1900 – leur donnant accès à une formation complète, comparable à celle des hommes. Il s'agit là d'un véritable préalable à la naissance des femmes artistes comme groupe social. Il se termine au début du xxie siècle, lorsque le discours universel de l'art s'est relativisé et que le champ artistique s'étant de fait largement ouvert, il a permis à Annette Messager et Sophie Calle, par exemple, d'être parmi les figures de proue de la biennale de Venise.
L'histoire commence avec celles des « pionnières » : Rosa Bonheur et Berthe Morisot, Mary Cassatt et Louise Breslau qui constituent en quelque sorte des « modèles originaires sur la scène primitive d'un art au féminin ». Rosa Bonheur, spécialiste de la peinture animalière, célèbre en son temps, porte pantalon, fume cigare et assume son homosexualité. Berthe Morisot sera, elle, la première femme à intégrer un groupe d'hommes et non des moindres, les impressionnistes, dont l'un d'eux, Camille Pissaro, écrivait qu'elle faisait honneur à leur groupe. Elle sera suivie par l'Américaine Mary Cassatt, parainnée par Degas. Enfin, Louise Breslau, figure marquante de la professionnalisation des artistes femmes, est le type de cette génération qui, à la fin du xixe siècle, fait de la création artistique un acte volontaire. Si l'impressionnisme est le premier courant à intégrer une femme, les avant-gardes qui marqueront la naissance de la modernité n'iront pas beaucoup plus loin. Le surréalisme dans sa période première ne compte pas de femme. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale qu'André Breton décidera d'ouvrir son cercle et les expositions qu'il organise aux artistes femmes, dont Toyen,[...]
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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