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FÉNELON FRANÇOIS DE SALIGNAC DE LA MOTHE- (1651-1715)

Grand seigneur, précepteur des princes exilé par Louis XIV, théologien discuté, pieux archevêque, penseur politique hardi mais déniant toute valeur à ce que nous appelons « mobilité sociale », Fénelon est tantôt apparu à la postérité comme le philanthrope éclairé précurseur des philosophes, tantôt comme l'héritier et le défenseur suspect, discuté, d'une longue tradition mystique : jamais cependant nul n'a contesté l'hellénisme de son goût ou l'élégante pureté de sa langue.

L'auteur des Maximes des saints et du Télémaque reste toutefois prisonnier pour la légende du conflit qui l'opposa à Bossuet : au réalisme de l'évêque de Meaux s'opposerait la chimère du « pur amour ». L'amitié de M. de Cambrai pour Mme Guyon, suspecte injustement de panthéisme, quand on ne se borne à voir en elle une aventurière de la spiritualité, n'est pas pour dissiper l'inquiétude des esprits raisonnables, ne disons même pas rationalistes.

Pourtant, à la charnière du xviie et du xviiie siècle, plus encore qu'un témoin de la crise de la conscience européenne, Fénelon incarne, au couchant du classicisme français, une authentique aspiration à l'éternité et témoigne en faveur d'une esthétique qui est comme le testament du grand siècle.

La courbe d'un échec

François de Salignac de La Mothe-Fénelon est né en Périgord d'une famille qui avait donné à l'Église neuf évêques ou archevêques et à l'État de grands serviteurs, mais que tant d'illustrations n'avaient pas enrichie. Entré en 1665 au collège Du Plessis à Paris, il subit l'influence de son oncle le marquis de Fénelon, ami de saint Vincent de Paul et de Monsieur Olier, le fondateur du séminaire de Saint-Sulpice où il est admis bientôt (1672-1673). Il se trouve ainsi intégré à l'un des foyers de la vie religieuse du temps. Après quelques années de ministère pastoral, il est nommé (1678-1689) supérieur des Nouvelles Catholiques, institution qui se proposait de détromper les jeunes protestantes ; deux missions auprès des Réformés en Saintonge s'ajoutent à cette charge. La lutte du pouvoir contre le protestantisme s'est en effet intensifiée et culmine lors de la révocation de l'édit de Nantes (1685).

Très lié avec Bossuet, Fénelon est présenté à Mme de Maintenon dont l'influence contribue à le faire désigner en août 1689 comme précepteur du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV.

Cependant, en octobre 1688, il avait rencontré Mme Guyon chez la duchesse de Béthune-Charost, fille du surintendant Foucquet. Mme de Maintenon venait précisément de la faire sortir du couvent de la Visitation auquel elle avait été « confiée » – pieux euphémisme – quelques mois auparavant, cependant que son directeur de conscience, le P. Lacombe, était incarcéré, la récente condamnation par Innocent XI, en cour de Rome, de la doctrine du quiétiste Molinos, en octobre 1687, ayant particulièrement sensibilisé la hiérarchie (en l'occurrence l'archevêque de Paris Mgr de Harlay), à toute nuance quiétiste ou pseudo-quiétiste. Et, certes, la sincérité pas plus que le désintéressement de Mme Guyon ne sauraient être mis en doute ; mais le lyrisme avec lequel elle prêche « l'abandon » à Dieu – et bientôt le relâchement de quelques novices de Saint-Cyr qui s'autorisent de sa spiritualité – déconcerte Mme de Maintenon. Cette dernière intervient auprès de Bossuet pour qu'il fasse revenir Fénelon de sa sympathie pour Mme Guyon, et beaucoup verront dans un conflit spirituel le reflet d'intérêts politiques ou de jalousies féminines. Loin d'obtempérer, le précepteur du duc de Bourgogne reste fidèle à une amie qui, si elle ne lui a pas découvert les voies mystiques, l'a du moins considérablement soutenu dans sa démarche spirituelle.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne, responsable du centre international de francophonie de l'université de Paris-IV

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