FÉODALITÉ
La monarchie féodale
La défaillance de l'institution monarchique avait permis la floraison de la féodalité. Tout en étouffant la puissance royale, celle-ci n'avait cependant pas supprimé la royauté. Image terrestre de l'autorité divine, elle lui paraissait indispensable à l'ordre du monde. Or, peu à peu, au cours du xiie siècle, le développement économique de l'Europe, l'essor de la production et des échanges, des communications moins difficiles, le rétablissement progressif de la circulation monétaire, effacèrent les conditions matérielles qui avaient favorisé la pulvérisation du pouvoir. Il devint plus aisé de commander à distance ; l'octroi d'une terre cessa d'être le seul moyen de récompenser un serviteur ; on put rétribuer les fonctionnaires par des gages en argent et lever des troupes de combattants salariés, les « soldats ». Des principautés régionales se reconstituèrent ; mais, dans un premier temps, la restauration de l'État s'opéra dans le cadre des institutions féodales.
La centralisation monarchique
Les souverains, d'une part, s'employèrent à organiser le réseau des relations féodo-vassaliques sous une forme pyramidale qui convergeât vers leur personne. Ils proclamèrent le principe que le roi ne pouvait prêter hommage à autrui. Ils s'efforcèrent de faire entrer strictement dans leur vassalité toutes les puissances régionales de leur royaume, qui durent reconnaître tenir d'eux en fief tous les pouvoirs de commandement qu'elles détenaient. Ils parvinrent peu à peu à faire admettre leur seigneurie éminente, leur suzeraineté, sur les propres feudataires de leurs vassaux directs, de leurs « barons », de leurs « tenants en chef ». Ainsi se constitua une chaîne d'hommages, cette fois hiérarchisés, qui tendit à rattacher au roi par relais successifs tous les feudataires du royaume. Les services féodaux se disposèrent par étages le long de cette chaîne, et la coutume finit par s'établir que, d'une décision de leur seigneur, les arrière-vassaux pouvaient faire appel, de proche en proche, jusqu'à la justice royale. En outre, profitant des difficultés financières des nobles, les rois et les maîtres des principautés régionales, qui disposaient d'importants moyens monétaires, purent au xiiie siècle acheter l'hommage d'un grand nombre de chevaliers, qui reçurent d'eux en fief les terres libres, les « alleux », qu'ils avaient hérités de leurs ancêtres. Ainsi se comblèrent les vides du système féodal, qui progressivement s'ordonna autour d'un point central, la couronne.
Les rois, d'autre part, exploitèrent à leur profit le droit féodal. Dans les diverses coutumes régionales, les services du fief perdirent de leur imprécision. En France, par exemple, la règle s'institua que les feudataires devaient combattre gratuitement pour leur seigneur quarante jours par an. Tandis que s'accroissait leur puissance, les souverains requirent plus strictement ces services ; ils exigèrent de ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient s'en acquitter de payer en contrepartie une taxe en argent. Ils attirèrent devant leur propre cour, ou devant les assises que tenaient localement leurs agents, toutes les causes relatives au fief ou aux obligations vassaliques ; en cas de défaut, ils avaient désormais le moyen de brandir efficacement la menace de la confiscation. La commise, décidée par la cour de ses feudataires, fut le moyen que choisit Philippe Auguste pour réunir au domaine royal une partie des fiefs de son principal et plus dangereux vassal, Jean sans Terre, duc de Normandie, comte d'Anjou et duc d'Aquitaine. Tandis que se répandait l'usage de la monnaie, des charges financières s'introduisirent dans les services du fief : avant de recevoir l'investiture des tenures féodales dont ils avaient recueilli[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Georges DUBY : de l'Académie française
Classification
Autres références
-
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne médiévale
- Écrit par Pierre-Roger GAUSSIN
- 14 136 mots
- 7 médias
...comtal. Celui-ci devint héréditaire, ce qui contribua rapidement à ruiner la monarchie carolingienne en France. Si les grandes lignes des institutions féodales se trouvaient dégagées en France dès la seconde moitié du ixe siècle, il n'en fut pas de même en Allemagne, où leur pénétration fut d'ailleurs... -
ANCIEN RÉGIME
- Écrit par Jean MEYER
- 19 103 mots
- 3 médias
...d'autant plus insupportable que les circonstances s'y prêtent moins. Les mots sont, on le sait, trompeurs. Les révolutionnaires ont voulu détruire la féodalité : ils voulaient dire seigneurie. Car la féodalité au sens propre du mot n'a plus guère d'importance en France. On peut certes en trouver des... -
ANGEVIN EMPIRE
- Écrit par Roland MARX
- 1 510 mots
- 4 médias
De 1154 au début du xiiie siècle, sous l'égide des rois d' Angleterre issus de la maison d' Anjou, un « empire », fait en réalité de la juxtaposition de terres de pleine souveraineté et de fiefs tenus de princes étrangers, paraît dominer l'ouest de l'Europe. Ce ...
-
AUBAIN
- Écrit par Jean GAUDEMET
- 433 mots
Terme qui, dans l'ancien droit français, désigne l'étranger. Dans le morcellement politique du premier âge féodal, l'aubain était non seulement l'étranger au royaume, mais même à la seigneurie : ceux qui venaient du dehors s'établir dans une seigneurie devaient dans l'an et jour s'avouer l'homme...
- Afficher les 57 références