BARBEDIENNE FERDINAND (1810-1892)
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Né à Saint-Martin-du-Fresnoy en Normandie, Ferdinand Barbedienne s'installe à Paris dès 1822 et tient de 1833 à 1838 un magasin de papiers peints. Sa rencontre avec Achille Collas (1795-1859) date de ces années-là. Celui-ci avait inventé un modèle de cylindre pour l'impression des toiles peintes et des indiennes, industrie florissante qui fut, au moment où se développaient la machine à vapeur et les techniques modernes de teinturerie, à l'origine de l'essor industriel de la banlieue parisienne.
Tous les deux autodidactes, Collas et Barbedienne vont s'associer et ouvrir dès 1838 une fonderie. Barbedienne, très intéressé par les techniques novatrices que favorise le gouvernement de Louis-Philippe, participe activement au mouvement romantique. Le goût de l'histoire et celui de l'archéologie gallo-romaine se répandent en même temps que celui des bronzes antiques, dont les nouveaux procédés chimiques permettent d'imiter avec rapidité la patine. Achille Collas avait aussi inventé un procédé mécanique qui permettait de reproduire mathématiquement, au moyen d'un réducteur, ou pantographe, les sculptures en ronde bosse (voir Principes d'analyse scientifique. La sculpture, méthode et vocabulaire, Imprimerie nationale, Paris, 1978). Cette invention fut considérée dès le départ comme aussi importante que celle du daguerréotype. La maison Collas et Barbedienne commercialisa pendant quelque temps des réductions en plâtre de la Vénus de Milo, puis se spécialisa dans la reproduction des bronzes d'après l'antique. À l'Exposition internationale de Londres en 1851, puis à celle de Paris en 1855, la maison, enregistrée sous le nom de Barbedienne, remporte de nombreuses médailles. Elle présente alors des réductions d'après l'antique, la Renaissance, le xviiie siècle et d'après certains sculpteurs modernes comme Bosio, David d'Angers, Clesinger et Frémiet, avec lesquels Barbedienne signe des contrats d'exclusivité. « Maintenant est-il besoin que je vous dise les conséquences d'une pareille invention ? C'en est fait ! le musée du Louvre n'est plus au Louvre ; le musée de Rome, de Naples, ou de Florence, n'est plus seulement à Naples, à Florence, à Rome [...] par ce moyen, nous aurons le plus beau musée qu'ait jamais rêvé un prince. » Le critique d'art Jules Janin, au retour de l'Exposition des produits de l'industrie de 1839, se fait l'écho du credo philanthropique de l'époque, que l'on retrouve encore sous la plume de Jules Lanoue lors de l'Exposition de l'Union centrale (le futur musée des Arts décoratifs). « Grâce à Barbedienne, les chefs-d'œuvre de l'art sont aujourd'hui répandus presque partout, son exposition est un véritable musée, l'Antiquité y coudoie la Renaissance et le style français contemporain s'y trouve face à celui de l'Extrême-Orient. Voici la déesse Diane, le Germanicus et cette belle statue d'Auguste récemment découverte à Rome, qui sont reproduits en grandeur naturelle, puis ce sont les portes de Ghiberti, en bronze frotté d'or, le Moïse de Michel-Ange, le petit Henri IV de Bosio. »
Barbedienne emploiera jusqu'à trois cents orfèvres et pourra produire quelque mille deux cents pièces par an. En 1850, il est chargé de l'ameublement de style Renaissance de l'Hôtel de Ville de Paris ; après 1855, il fournit des bronzes d'ameublement pour la maison pompéienne du prince Napoléon, avenue Montaigne. En 1883, Henry Havard écrit dans la Gazette des beaux-arts, à l'occasion de l'Exposition universelle d'Amsterdam : « Dans toute l'Europe, il n'y a pas une seule maison, je ne dirais pas qui puisse lutter, mais dont les produits supportent la comparaison avec les bronzes de fabrication parisienne. Il y a un abîme entre les merveilleuses productions de Barbedienne et les ouvrages les plus parfaits de la Belgique ou de la Russie. »
L'Exposition des arts appliqués de l'année 1863, probablement celle où l'on se préoccupa le plus de l'industrialisation de la sculpture, reçoit 116 000 visiteurs. Gonon y montrait le moulage des habitants de Pompéi morts dans l'incendie. Susse, le grand concurrent de Barbedienne, exposait ses sculptures fabriquées en série grâce au procédé de reproduction mécanique de Sauvage découvert en même temps que celui de Collas.
Après la mort de Barbedienne, en 1892, la maison fut dirigée par son neveu Gustave Leblanc-Barbedienne. Mais déjà la mode avait changé : les frères Goncourt, rendant visite en 1875 à l'écrivain et critique d'art Edmond About, notaient dans leur journal : « C'est chez lui la mode un peu canaille et légèrement retardataire d'un bourgeois à prétentions artistiques, du chêne vernissé et du vieux cuir, des bronzes de Barbedienne qu'on sent le prix de réclame et des candélabres de fer ciselé à feuilles de laurier dorées qu'on voit aux étalages du vieux-neuf à l'usage des riches américains qui se meublent. »
Plus proche de nous, Proust, dans La Prisonnière, fait admirer par Albertine, dont le goût est peu sûr, « un grand bronze de Barbedienne, qu'avec beaucoup de raisons, Bloch trouvait fort laid ». Malgré le désaveu de la mode, la maison Barbedienne ne ferma ses portes qu'en 1955.
Le nouveau regard porté aujourd'hui sur le xixe siècle a largement réhabilité les bronzes de Ferdinand Barbedienne. Les expositions L'Art en France sous le second Empire (Grand Palais, Paris, 1979), La Sculpture française au XIXe siècle (Grand Palais, Paris, 1986) et l'ouverture du musée d'Orsay ont incité l'opinion officielle à réviser ses jugements sur Barbedienne dont les bronzes sont à nouveau recherchés, ainsi qu'en témoigne le marché de l'art.
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Écrit par
- Sylvain BELLENGER : directeur du château de Blois
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