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SAAR FERDINAND VON (1833-1906)

Son père étant mort peu après sa naissance, Ferdinand von Saar grandit à Vienne chez son grand-père, choyé par une mère à l'égard de laquelle il entretiendra, sa vie durant, des sentiments de culpabilité (elle souffrit plus que lui de ses premiers échecs). En 1849, il entre comme aspirant dans l'armée et la quitte sous-lieutenant, en 1860, pour embrasser le métier d'écrivain. Saar envoie au Burgtheater sa première pièce, Les Boromée, qui est refusée comme injouable ; d'où une extrême pauvreté six ans durant. Des bienfaitrices l'aident alors. Bien qu'il n'obtienne pas le poste tant désiré de bibliothécaire à la Cour, sa situation financière s'améliore dès 1866 : une bourse d'artiste lui est allouée. Sur la fin, il est reconnu par tous et meurt couvert de décorations.

C'est, malgré son échec liminaire, avec une assiduité proprement stupéfiante que Saar s'entêta à devenir célèbre comme auteur dramatique. Son deuxième ouvrage, une tragédie en vers intitulée L'Empereur Henri IV (Kaiser Heinrich IV. Ein deutsches Trauerspiel, 1865-1867), est constamment remis sur le métier, sans parvenir toutefois à satisfaire aux exigences de la scène. Mais bientôt lui arrive de Prague un fait divers qui va l'amener à prendre en considération un genre littéraire mieux adapté à son talent, la nouvelle. Sa première tentative dans ce domaine, Innocence (Innozenz), paraît en 1866. Ici déjà, l'auteur emploie la première personne du singulier et la forme classique du genre. Ses personnages respirent la vie. Et dès Innocence, qu'il ne cessera au reste de récrire, se dessine le domaine où Saar va exceller, les portraits de femme. Sur ce plan, aucun de ses contemporains ne le vaut. Quant au fond, cette nouvelle donne également une ébauche de l'œuvre entière : face à une vie dénuée de sens, le renoncement paraît être la seule issue possible.

Autre exemple, Marianne (1873) : inspiré ici encore par un fait divers, Saar raconte l'histoire d'une jeune femme mal mariée. Au cours d'une danse extatique avec un amour de jeunesse, elle s'effondre et meurt. Le mariage, catégorie sociale qui, sans amour, perd tout sens, n'est préservé là que par la mort.

Dans sa nouvelle Les Casseurs de pierres (Die Steinklopfer, 1874), Saar dote l'amour d'une puissance capable de vaincre une conjoncture défavorable : mis en disponibilité par l'armée pour cause de maladie, un ex-militaire, travaillant à la construction du chemin de fer de Semmering, tue au cours d'une rixe un contremaître qui a découvert son amour pour sa belle-fille. Grâce au témoignage favorable d'un officier, le procès se termine par l'acquittement de l'accusé.

Tandis que, pour la première fois, ce texte fait apparaître chez Saar un certain optimisme, ses autres récits (ils ont essentiellement trait à sa vie militaire) livrent de l'époque une image beaucoup plus négative. Lorsque, dans Lieutenant Burda (1889), l'ami du jeune officier décrète que « tout devait bien finir comme ça », il ne fait qu'entériner l'idée d'un destin tout-puissant, décidant du cours des choses et impliquant chacun dans la déréliction générale. À cet égard, on ne peut s'empêcher de remarquer combien Saar a tiré de sa propre vie les traits essentiels de ses personnages : un sentiment de culpabilité vis-à-vis de la mère qui amène l'auteur à se considérer comme un raté, une attention constamment attirée sur la mort prématurée du père.

Un autre ton parcourt les Élégies viennoises (Wiener Elegien, 1893), jadis célèbres, aujourd'hui quasi illisibles. Tout se passe comme si le poète avait voulu endiguer là le désordre de son époque en usant d'un vers à forme fixe, l'hexamètre. Certes Vienne s'anime sous les yeux du lecteur, qui ne peut toutefois s'empêcher[...]

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    ...mode, l'époque des opérettes de Johann Strauss. C'est l'époque aussi où quelques romanciers de talent commencent à transfigurer nostalgiquement le passé : Ferdinand von Saar (1833-1906), Marie von Ebner-Eschenbach (1830-1916), tandis qu'un humble villageois styrien, Peter Rosegger (1843-1918), glorifie...