FERGUS
Parmi les nombreux romans arthuriens en vers rédigés en français entre la mort de Chrétien de Troyes (peu après 1190) et le Meliador de Froissart (1370-1390), Fergus (vers 1225) a l'originalité de prendre pour héros le fils d'un paysan ; le jeune Fergus pousse la charrue dans le champ de son père quand passe le roi Arthur ; aussitôt le garçon quitte sa famille, il est bientôt fait chevalier et il tombe peu après amoureux de Galiene, dame de Lothian. Quand il revient d'un combat contre le gardien monstrueux d'un château, la dame a disparu et le héros part à sa recherche ; après mainte aventure et maint exploit, il défait le roi qui assiégeait Galiene et disparaît. Il participe à un tournoi donné par Arthur sans révéler son identité, mais Galiene le reconnaît sous son incognito et on célèbre les noces. L'influence des grands romans de Chrétien de Troyes (Cligès, Érec et Énide, Yvain, Le Conte du Graal) est évidente dans cette œuvre sans arrière-pensée, qui puise aussi largement dans le folklore celte et la tradition bretonne. Sa particularité gît dans une précision géographique (les lieux de l'Écosse méridionale sont situés exactement) dont la minutie ne se retrouve pas avant Meliador, que Froissart écrivit après avoir visité le théâtre de son récit. Il ne faut pas chercher, comme on l'a fait, dans l'humble extraction de Fergus la trace d'une inspiration si peu démocratique que ce soit : il pourrait s'agir d'un roman des « origines », consacré à l'ancêtre légendaire d'une dynastie écossaise. Difficile aussi de prendre appui sur les pointes d'humour ou d'ironie éparses dans le roman (Chrétien ne procédait-il pas de même ?) pour y déceler une tendance satirique, caustique, un effort de « démythologisation » annonçant le Petit Jean de Saintré ou Don Quichotte. Cette œuvre de peu de succès est au contraire typique du répertoire et des procédés du roman breton.
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Écrit par
- Jean-Pierre BORDIER : agrégé de l'Université
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