FERMIERS GÉNÉRAUX
L'élaboration du système
Fermes et fermiers, traitants et partisans avant 1680
L'explication de l'affermage des impôts réside dans l'histoire même de la monarchie française. L'incapacité d'admettre la légitimité de l'impôt, inhérente à la mentalité du Moyen Âge français, a provoqué la mise en place d'une fiscalité directe à la fois fragmentaire, hypocrite et toujours en retard sur les besoins. Il était commode de disposer à date fixe de sommes prévisibles levées par des compagnies financières ou par des banquiers.
Dans le monde rural français, le vocabulaire du fermage apparaît au xiiie siècle (1260, Bretagne). Au cours des périodes de reconstruction du paysage agricole pendant et après la guerre de Cent Ans, noblesse et bourgeoisie ont mis au point un procédé de gestion remplaçant la gestion directe : la ferme générale d'une terre ou d'une seigneurie. L'État devait reprendre ce moyen d'action (1508 : premier affermage des aides). D'autre part, le coût croissant des guerres força les rois de France à contracter des emprunts, principalement auprès des banquiers italiens et allemands. Le remboursement étant rien moins qu'assuré, les taux d'intérêts étaient exorbitants et les prêts s'accompagnaient de prises de gages. Puis, il s'avéra plus sûr de remplacer la prise de gages par un système de levées. L'exemple venait d'Italie où États-villes et principautés urbaines utilisaient ce type de procédé, d'ailleurs hérité de l'Empire romain. François Ier n'a fait que généraliser des méthodes déjà usuelles dès l'époque de Charles VII. Au xvie siècle, la place de Lyon, lieu de rencontre des banquiers italiens ou allemands, fournit aux Valois les prêts de 1517, 1544, 1551 ; en 1555, se constitue le « grand parti », syndicat financier italien. La catastrophe financière de 1559 ne retarde guère l'évolution en cours. Les banquiers étrangers dominent encore en France jusqu'au début du règne de Louis XIV, mais partisans et traitants français renforcent leurs positions. Sully, plus ou moins prisonnier des Rambouillet, Zamet et Moysset, réserve les fermes aux Français. En 1604, Jean de Moysset prend la ferme des gabelles, la ferme générale des aides et les cinq grosses fermes créées en 1584. L'influence de ses successeurs croît proportionnellement aux dépenses de guerre. Les anticipations étant devenues avec les assignations le moyen de gouvernement par excellence, un Gondi, un Herwart (qui devient contrôleur général), un Jabach, un Fouquet occupent les premières places de l'État. La participation de Mazarin aux prêts usuraires de Fouquet préfigure le système des « croupes » (intérêt versé par les fermiers généraux à leurs prêteurs) du xviiie siècle. Face aux abus, la royauté ne peut réagir qu'épisodiquement : arrestation de Fouquet et condamnation par la Chambre de justice (nov. 1661-juill. 1665). Louis XIV reconnaît lui-même : « Je voulus rebailler mes fermes qui, jusqu'alors, n'avaient pas été portées à leur juste prix, et afin d'éviter les fraudes [...] je me trouvai moi-même aux enchères » (Mémoires). La « remise en ordre » des finances tentée par Colbert repose, pour une part, sur l'augmentation des impôts indirects, donc sur un contrôle plus poussé des activités des fermiers. En 1669, il regroupe sous le nom de « fermes unies » gabelles, aides et les cinq grosses fermes. Il fallut encore une bonne décennie pour aboutir au premier bail « général », le bail Fauconnet de 1680.
La période de transition (1680-1726)
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification
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