FERMIERS GÉNÉRAUX
La Ferme générale au XVIIIe siècle (1726-1789)
Après 1726, la Ferme générale a acquis ses caractéristiques quasi définitives. La réforme de 1780 n'apporte que des transformations de second plan. La Ferme est devenue une organisation gigantesque de 20 000 à 25 000 agents réguliers. Ce corps se recrute essentiellement parmi les anciens soldats : vers 1770, un cinquième des gardes provient de l'armée. En 1789, les Fermes rapporteraient environ 250 millions de livres sur un total de 475 millions ( ?) de recettes budgétaires. Dans l'ensemble, les fermes auraient fourni la moitié des revenus de l'État, la Ferme générale à elle seule le tiers. Les baux sont renouvelés tous les six ans, le prête-nom servant de couverture aux cautionnaires qui sont les quarante fermiers généraux. Inamovibles, « quasi-fonctionnaires » (Marion), ils ne peuvent prétendre à ce titre qu'après avoir franchi les obstacles du contrôle général, des futurs collègues et du système des croupes, le vrai scandale du système résidant en ce dernier obstacle. Très vite, la croupe devient la contrepartie des trafics d'influence. Procédé d'enrichissement rapide, elle a pu être aussi un moyen de surveillance. Elle rendait, en effet, la fraude sur les bénéfices presque impossible. Quant au contrôleur général, il touche un pot-de-vin unique de 300 000 livres (suivant les usages notariaux de l'époque), transformé ultérieurement en une gratification annuelle de 50 000 livres.
Les fermiers généraux, dont le nombre passe en 1756 de 40 à 60, étaient entourés de 27 adjoints, de 25 régisseurs généraux et de 19 administrateurs de domaines. Necker démembre la Ferme générale en 1780 : de ce fait, le nombre des fermiers généraux est ramené à 40, plus « 25 intéressés de la deuxième et troisième compagnie ». La rémunération du fermier général est double. Elle consiste d'abord dans des revenus fixes garantis par l'État : 10 p. 100 sur le premier million du cautionnement et 6 p. 100 sur le reste (soit 100 000 livres avant 1768, 133 600 livres après cette date). S'y ajoutent 24 000 livres de « fixe », 4 200 livres de frais de bureau, 1 500 livres d'indemnité pour les fermiers en tournée de contrôle dans les provinces, soit au total un peu plus de 160 000 livres. La réforme de 1786 ne réduit ce premier type de revenu que dans des proportions assez limitées. Il est bien évident, cependant, que l'essentiel de la rémunération provient d'une autre source, d'autant que ce fixe est pratiquement absorbé, et au-delà, par les croupes. Il n'est pourtant pas possible de calculer d'une manière précise les dividendes rapportés par l'exploitation fiscale du pays. D'après La Forbonnais, le bénéfice moyen s'élevait, vers le milieu du xviiie siècle, de 30 à 35 p. 100 du capital. « Les moindres affaires rendent 25 p. 100, il y en a qui rendent de 60 à 90 p. 100. » Il paraît certain que ces chiffres ont été largement dépassés au cours de la première moitié du siècle ; il est probable que le revenu a nettement diminué après 1750.
La Ferme générale est donc une véritable institution d'État. Dans la liste d'attribution publiée par l'Almanach royal, la « direction générale de toutes les fermes du Roi » est du ressort du contrôleur général. Elle figure au troisième rang, après le trésor royal, les parties casuelles, avant le clergé ! La Ferme est la para-administration qui compte le plus d'employés. Ceux-ci sont les « para-fonctionnaires » les plus favorisés de l'Ancien Régime. La Ferme établit en 1768 le premier système cohérent de retraites pour ses agents âgés, blessés ou infirmes. Elle prélève, suivant l'importance du salaire, 2, 3 ou 4 deniers par livre et y ajoute une somme équivalente, de manière[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
Classification
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