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HERRERA FERNANDO DE (1534-1597)

Poète espagnol, surnommé « le Divin », Fernando de Herrera est avant tout le chef de file de l'école de Séville que l'on distingue de l'école de Salamanque, dont Fray Luis de León est la figure éminente. Le sentiment patriotique caractérise l'école andalouse, tandis que le sentiment religieux imprègne le groupe castillan. Né à Séville, F. de Herrera, qui devint très tôt l'ami du grand humaniste Juan de Mal Lara, fut aussi l'un des grands lettrés de son temps.

Sans avoir été ordonné prêtre, n'ayant reçu que les ordres mineurs, il obtint un modeste bénéfice dans une église de Séville. Il s'en contenta sa vie durant, à l'écart, de façon quelque peu hautaine, de toute ambition matérielle, se vouant à son œuvre de manière ascétique. Un souci extrême de la perfection définit celle-ci. L'existence austère de Herrera fut toutefois illuminée par la passion brûlante et tourmentée qu'il éprouva pour doña Leonor de Milán, épouse du comte de Gelves. Elle fut l'inspiratrice idolâtrée de ses poésies d'amour, où elle est désignée sous les noms de Flamme, Étoile, Feu, Lumière... Seule une partie des œuvres de Herrera fut publiée de son vivant (1582). Une partie de son œuvre, prête pour l'impression, disparut mystérieusement quelques jours après sa mort. En 1619, le peintre Francisco Pacheco, grand admirateur de Herrera, publia ses poèmes. Plusieurs poèmes mythologiques, une Histoire générale du monde et un Art poétique ont disparu.

L'œuvre lyrique de Herrera porte à son accomplissement le pétrarquisme et l'italianisme introduits en Espagne par Boscán et Garcilaso de la Vega. La langue, somptueuse et emphatique, accumule les maniérismes et les tours syntaxiques compliqués. Après la clarté et l'équilibre du lyrisme de Garcilaso, Herrera annonce l'explosion baroque d'un Góngora. Les poésies d'amour, sur un ton de mélancolie résignée ou blessée, célèbrent le culte de l'objet aimé et hautement spiritualisé. Outre Pétrarque, on y perçoit l'écho d'Ausias March et des Cancioneros. Les compositions patriotiques, empreintes d'emphase rhétorique et de grandiloquence, reflètent les grands modèles classiques tels Pindare ou Horace, les poètes italiens de la Renaissance ou la Bible.

L'idéal guerrier et religieux de l'Espagne de Charles Quint se voit ici chanté avec magnificence. L'ardeur patriotique qui soulève ces poèmes s'exprime par l'apostrophe, la prosopopée, l'imprécation, dans une constante tonalité héroïque. La Canción por la pérdida del Rey son Sebastián (1578) fut écrite à l'occasion de l'écrasante défaite portugaise à Alcazarquivir où périt le roi portugais. Dans la Canción al Señor don Juan de Austria vencedor de los moriscos en las Alpujarras (vers 1571), la victoire de don Juan d'Autriche sur les Maures révoltés est comparée à celle de Jupiter sur les Titans. Dans la Canción a la batalla de Lepanto (1571), les motifs mythologiques ont disparu au profit des motifs religieux empruntés à la Bible : c'est un chant d'une grandeur pathétique exaltant le Dieu des batailles protecteur des Chrétiens vainqueurs des Infidèles. À ces poèmes patriotiques s'ajoutent des sonnets sur les gloires militaires de l'empereur Charles Quint (A la expedición de Argel, A Carlos Quinto Emperador, En la abdicación de Carlos). Outre un récit historique (La Guerra de Chipre y batalla naval de Lepanto, 1572) et une belle biographie (Elogio de la vida y muerte de Tomás Moro, 1592), Herrera fut aussi théoricien de la poésie dans ses célèbres Anotaciones (1580) aux œuvres de Garcilaso de la Vega.

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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