BUSONI FERRUCCIO (1866-1924)
Les années de création
En fait, c'est surtout l'époque où le compositeur, s'arrachant aux dernières influences de sa jeunesse (Brahms principalement), trouve enfin son chemin, celui d'une synthèse riche d'ailleurs de contradictions internes, entre Nord et Sud, entre soleil et brumes, entre lyrisme italien et rigueur allemande. C'est cette synthèse si caractéristique qui en fait justement un inclassable, à l'écart de toutes tendances et de toutes écoles. Le Concerto pour piano, orchestre et chœur d'hommes op. 39 marque cette rupture. La Berceuse élégiaque op. 42 et le Nocturne symphonique op. 43, qui se trouvent déjà aux limites de l'atonalité, affirment cette évolution qui pourtant ne suivra pas le chemin des Viennois. De plus, l'opéra est apparu entre-temps dans ses préoccupations. Naissent ainsi Die Brautwahl, d'après E. T. A. Hoffmann, en 1912 ; Arlecchino, oder die Fenster et Turandot, créés simultanément en 1917 à Zurich où, après une troisième tournée américaine, il trouve refuge loin d'une Europe en sang (son refus de prendre position dans le conflit, le refus même d'honorer d'un seul concert l'un des belligérants témoignent d'une blessure profonde). Ces deux derniers ouvrages sont avant tout des manifestes, non vraiment de son langage théorique, mais bien plus de son éloignement par rapport aux héritages romantiques, qu'ils soient d'Allemagne ou d'Italie, de Wagner, de Verdi ou des véristes. Les conflits, la psychologie et la vérité dramatique en tant que transpositions sur scène de la réalité lui paraissent erronés : « Il faudrait que l'opéra du surnaturel s'imposât comme celui des phénomènes de la sensibilité et crée ainsi un monde d'apparences qui reflète la vie comme dans un miroir brouillé, qu'il veuille consciemment offrir ce qui ne peut être trouvé dans la vie réelle. » Refus des formes, refus des dimensions surtout. Après le gigantisme du Concerto op. 39, ces opéras concis reviennent à la tradition bouffe du xviiie siècle et à la commedia dell'arte. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs si, à la même époque, Richard Strauss écrit Ariane à Naxos pour un orchestre de chambre et y introduit les personnages du théâtre italien, ni si Stravinski s'attache bientôt à revivifier les vieux maîtres de la tradition classique.
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Écrit par
- Pierre FLINOIS : architecte, critique musical
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