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LOCARNO FESTIVAL DE

Un festival « schizophrène » ?

Les deux films présentés chaque soir à Locarno dans ces conditions sont toujours sélectionnés afin de plaire au plus grand nombre. Le prix du public couronne chaque année cette sélection. Ce fut le cas, par exemple, de Joue-la comme Beckham (2002), La Vie des autres (2006), Monsieur Lazhar (2012), ou Fritz Bauer, un héros allemand (2015). C’est le principal paradoxe du festival. Alors que les projections du soir sont souvent des premières internationales hollywoodiennes ou représentatives du goût du grand public, la sélection du Concorso Internazionale, projetée au cours de la journée dans les salles fermées de la ville, est beaucoup plus expérimentale et ouverte à des formes inhabituelles. La durée, les formes narratives, les configurations productives de ces films qui concourent pour le léopard d’or, le grand prix du festival, correspondent à une exigence cinéphile plus radicale que les concours équivalents des grands festivals internationaux. Les films soumis doivent être inédits hors de leur pays d’origine, et ne doivent avoir participé à aucun festival international de cinéma avant leur présentation officielle à Locarno.

À côté de ces projections nocturnes et de la compétition internationale, il existe un concours orienté vers la découverte de nouveaux talents, intitulé « Cinéastes du présent », et une compétition internationale de courts-métrages (« Léopards de demain »). Des rétrospectives, souvent liées au patrimoine, le laboratoire de coproductions Open Doors, des tables rondes, des prix spéciaux et de nombreux autres événements rythment les douze jours du festival. Près de 300 films sont ainsi présentés chaque année. On compte environ 200 000 spectateurs, plus d’un millier de journalistes, et quelque 4 000 professionnels.

La cohabitation des films les plus populaires avec un cinéma plus exigeant en a conduit certains à qualifier Locarno de festival « schizophrène ». En 1971, le départ des deux codirecteurs Sandro Bianconi et Freddy Buache avait trouvé sa source dans le refus des projections en plein air de la Piazza Grande, dans l’esprit radical de l’après 1968, à la suite du soutien historique du festival au néoréalisme italien et à la nouvelle vague française. Depuis, l’histoire du festival est faite de la tension entre ces deux tendances : présenter ou non le Concorso Internazionale sur la Piazza Grande, choisir ou non entre le centre et les marges. Les dirigeants successifs du festival, comme David Streiff (1982-1991), Marco Müller (1992-2000), Olivier Père (2009-2012) ou Carlo Chatrian (depuis 2012) ont tous été confrontés à cette alternative. Blockbusters ou films de répertoire, avant-garde ou mainstream, le temps passe et contribue souvent à brouiller ces frontières très mobiles.

— René MARX

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Festival de Locarno - crédits :  Festival del film Locarno

Festival de Locarno

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    Le festival de Locarno, en Suisse, partage de nombreuses particularités avec Berlin, notamment le goût pour les films d'auteurs indépendants et les documentaires de création. Créé en 1946, il participe comme Cannes et Venise à l'histoire du cinéma, et accorde aux auteurs du néoréalisme et de la Nouvelle...