FÊTE, arts et architecture
Dans ses Fastes, Ovide, le maître de l'amour, mais aussi le plus religieux des poètes latins, fait se répondre l'immutabilité de la cérémonie et la permanence du mythe qui en est souvent le prétexte. La fête constitue presque toujours la répétition d'une autre fête. C'est un arrêt du temps, mais elle suit le temps. L'étymologie latine du mot renvoie aux jours festi ou feriati, décrétés par les pontifes, auteurs du calendrier, réservés aux dieux et obligatoirement chômés. On dit aussi qu'ils sont « néfastes », car non propices aux activités humaines. Le christianisme reprend cette distinction en la fusionnant avec le sabbat biblique, et enrobe la vie entière de l'homme dans un réseau de fêtes fixes et mobiles. Distinctes d'une province à l'autre, elles figurent dans les calendriers et dans les livres d'heures, marquées comme simples ou doubles selon qu'elles ont plus ou moins de solennité, et que l'interdiction d'un travail profane est plus ou moins étendue.
La fête de l'Ancien Régime relevait d'un art total. L'unité du pouvoir, dans le système de l'absolutisme d'État, appelait le concours de tous les talents pour rendre les actions du souverain parfaites. Célébrées en public, les fêtes se manifestent par un faisceau d'initiatives coordonnées qui tendent à justifier la participation du peuple aux événements touchant ceux qui sont au faîte du pouvoir. Les sciences, les arts et métiers en festonnent le déroulement, dispensant leurs bienfaits pour harmoniser les sentiments des gouvernés et des gouvernants. La fête, qui occupe toujours un groupe, fait intervenir organisateurs, invités et spectateurs. Être invité suppose d'être participant (lors d'un bal, danser). Dans L'Univers du baroque (1959, trad. franç., 1964), Richard Alewyn a mis en valeur la rencontre réciproque du peuple et des nobles, ceux-ci tenant à amuser celui-là pour le distraire et le subjuguer, mais n'hésitant pas à participer à ses jeux et à lui emprunter la plupart de ses danses. La période la plus abondante de la bibliographie relative aux fêtes s'étend du xvie siècle au xviiie, et voit se développer le genre du Livre de fête illustré, commémorant ces solennités publiques et en amplifiant l'effet de propagande.
La représentation des fêtes est aussi un sujet favori des artistes. Ces moments joyeux sont prétexte à la figuration du mouvement avec la danse, de l'ordre avec les processions et réceptions, comme de réalités variées, telles qu'objets de luxe, boissons et aliments, ainsi que de lieux plaisants : vastes paysages, places de ville ou intérieurs décorés. Les tombeaux égyptiens en offrent de nombreux exemples, rappelant dans la mort les moments intenses de la vie. L'atelier de Phidias a éternisé la procession des Panathénées ; les athlètes vainqueurs de jeux, tel l'Aurige de Delphes, sont devenus des classiques de nos musées. À la fin du Moyen Âge, les représentations se mutiplient, avec, parmi les cycles de miniatures, les Grandes Chroniques de France enluminées par Jean Fouquet, où figure L'Entrée de l'empereur Charles IV à Paris. Mais c'est à l'époque moderne que la fête devient réellement un genre dans le domaine des arts plastiques. En peinture, les « fêtes champêtres » nées sans doute des « jardins d'amour » gothiques, se développent chez Titien, Rubens et Poussin, avant de se renouveler en « fêtes galantes » avec Watteau. À Venise, l'essence même de la fête, ses couleurs, son désordre dans l'ordre, son luxe et son frémissement de volupté alimentent une galerie de chefs-d'œuvre où se succèdent les Noces de Cana de Véronèse, les carnavals et les régates de Canaletto et Guardi. Dans le Nord sont représentées les fêtes bourgeoises et populaires,[...]
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Écrit par
- Georges FRÉCHET : conservateur en chef à l'Institut national d'histoire de l'art
Classification
Média