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FÉTICHISME, psychanalyse

L'attention portée par Freud à ce phénomène « du plus haut intérêt » qu'est le fétichisme, et qu'attesteront les remaniements successifs apportés aux premiers développements des Trois Essais sur la théorie de la sexualité, trouverait son emblème dans la double orientation du génie de Léonard de Vinci, partagé entre l'exigence du décryptage scientifique et la culture artistique du fantasme. Aussi bien est-ce autour du phallus maternel, lieu de constitution du fétiche, que s'est développé le commentaire d'Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, plus généralement, c'est à l'ensemble de la théorie du fétichisme que s'étendront les marques contrastées de son énigme, dans un champ intermédiaire entre les nodosités du développement et la surévaluation de l'irréel.

Le fétichisme s'est d'abord différencié de la perversion par le déplacement qu'il comporte d'une zone corporelle, complémentaire en autrui d'une zone érogène, à un objet partiel qui s'en isole et la symbolise. Dès le départ, l'analyse du phénomène subordonne, en outre, la déviation quant à l'objet à la déviation quant au but sexuel. D'un registre à l'autre la transition est cependant assurée par la « surévaluation sexuelle », celle-ci intervenant normalement au niveau même de l'objet, dans la mesure où le pôle de désir sur lequel s'oriente primitivement la pulsion s'intègre toutes les sensations qui en proviennent, et les jugements qui en émanent, jusqu'à constituer, nous dit Freud, dans la crédibilité de l'amour, une source essentielle, sinon la source originaire, de l'autorité.

Mais le processus peut s'étendre à des objets indifférents au but sexuel. Dans un premier groupe de fétiches, le substitut est une partie du corps (pied, cheveu) peu utile aux fins de la sexualité ou un objet inanimé en relation avec la personne (morceau de vêtement). Dans un autre groupe, il y a renoncement explicite au but sexuel, une certaine condition devant être remplie par l'objet pour que ce but soit atteint (certains vêtements, couleur de cheveux, etc.). La surévaluation de l'ensemble du corps au-delà des zones proprement sexuelles préfigure donc ce déplacement du but sexuel qui caractérise la constitution d'un fétiche. L'explication en sera d'abord donnée par Freud dans la ligne de Binet, par la thèse de la survicance d'impressions infantiles. Elle s'approfondira par la mise en évidence du moment cognitif attaché à la sexualité infantile — croyance dans le pénis maternel — et par la correspondance établie entre les problèmes du fétichisme et ceux de la psychose.

La psychose, en effet, étant caractérisée par la croyance en la préservation d'une partie perdue de la réalité, tandis que la névrose atteste la répression du désir qui survit à sa perte, le fétichisme exprimera dans l'objet le substitut du pénis maternel : de la psychose il tiendra sa capacité à rencontrer cet objet perdu dans la réalité, de la névrose le déplacement d'investissement qui concilie avec la persistance du désir la perte de son objet primitif. Il s'agit donc, en définitive, d'un déplacement de jouissance sous les espèces d'une jouissance originale. Encore faudra-t-il souligner l'importante retouche qu'apporte à cette présentation schématique, dans les dernières années de la carrière freudienne, la notion d'une scission du moi, la perte de l'objet se trouvant à la fois reconnue et déniée, selon l'instance impliquée dans l'assertion.

Il est cependant un domaine où l'irréel s'exhibe avec les titres d'une présence ambiguë, à savoir l'illusion artistique. Ainsi, à partir du fétichisme, s'ouvre la voie d'une esthétique psychanalytique,[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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