FIDELIO (L. van Beethoven)
De la comédie au drame
La forme de Fidelio est encore traditionnelle, avec ses airs, duos, trios, quatuors et ensembles avec chœur bien délimités. Inconfortablement placé entre le Singspiel mozartien, qu'il prolonge, et le grand opéra romantique, qu'il annonce, l'ouvrage évolue de la comédie, avec l'intrigue du premier acte entre Marzelline, Jaquino, Rocco et Fidelio, au drame politique dans le second acte, drame qui apparaît cependant comme une affaire de vengeance privée : la censure impériale veillait et Pizarro est finalement puni par un représentant de l'État. Le livret n'explicite pas les raisons pour lesquelles les prisonniers sont détenus, mais la musique de Beethoven affirme sans ambiguïté qu'il s'agit de motifs illégitimes.
Fidelio montre un compositeur qui a mis toute sa confiance dans la nature humaine, dans les valeurs de la fraternité et de l'amour conjugal, dans le triomphe du bien et du bon droit. Il peint des personnages presque archétypaux et baignant dans un symbolisme un rien manichéen d'ombre et de lumière et fait preuve d'un optimisme qui pourrait rapprocher l'œuvre du genre oratorio. Il n'en est rien, car le personnage poignant de Leonore – un des rares personnages féminins qui, dans l'histoire de l'opéra, soit non pas une victime mais le complet moteur de l'action – en fait un drame de chair, loin de tout statisme, de toute abstraction. Fidelio livre quelques-unes des plus belles pages de l'histoire de l'opéra allemand, avec, au premier chef, le chœur des prisonniers recouvrant la liberté, dont le message est encore si contemporain.
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
Classification
Média