MAYARO FIÈVRE ET VIRUS
Article modifié le
On ne connaît qu’une petite partie du monde des virus. On découvre généralement ces organismes par hasard, lors d’études systématiques – cela fut le cas des mégavirus –, ou parce qu’ils sont responsables de maladies chez les végétaux ou les animaux. Concernant les maladies humaines d’origine virale, les médecins ont été surpris, au début du xxie siècle, par l’importance d’épidémies comme celle d’Ebola et par l’évolution pandémique des infections provoquées par le virus chikungunya (CHIKV), puis le virus Zika (ZIKV). Ces deux derniers virus étaient connus respectivement depuis 1952 et 1947, mais leur expansion pandémique récente a surpris.
Le virus Mayaro (MAYV) sera probablement le prochain virus identifié depuis longtemps à connaître une expansion bien au-delà de son foyer d’origine. Découvert pour la première fois dans la forêt de la réserve naturelle de Mayaro (Trinité-et-Tobago) en 1952, et caractérisé à Port of Spain en 1957 par Charles R. Anderson, un viro-épidémiologiste de la fondation Rockefeller, le virus Mayaro, un alphavirus de la famille des Togaviridae, est transmis par des insectes et entraîne la fièvre du même nom. Ce virus connaît un début d’expansion hors des forêts tropicales, d’où il est originaire, vers les zones urbaines de l’Amérique du Sud, de l’Amérique centrale et des Antilles. Cette poussée épidémique semble avoir cessé d’être sporadique pour concerner potentiellement tant de personnes qu’elle contraint les autorités sanitaires des régions concernées à se préoccuper de l’étendue des effets pathogènes possibles du virus au sein des populations.
La fièvre Mayaro
L’infection par le virus Mayaro, appelée aussi fièvre d’Urubamba, se traduit par des signes voisins de ceux de la dengue : fièvre brutale et élevée, douleurs musculaires et articulaires d’allure rhumatismale, maux de tête, douleurs rétro-orbitales et manifestations cutanées. Les douleurs articulaires (arthralgies) sont handicapantes et persistent longtemps. La maladie paraît cependant sans gravité particulière, mais les médecins ne disposent d’une vision rétrospective que sur quelques milliers de cas. L’expérience acquise avec d’autres virus a montré que leurs variants peuvent se révéler plus dangereux ou le virus toucher des populations plus sensibles pour diverses raisons. C’est peut-être le cas pour la survenue de microcéphalies dues au ZIKV au Brésil. En 2008, lors de l’épidémie de MAYV de Manaus, des cas d’hémorragies ont été observés, ce qui n’avait jamais été noté auparavant lors d’une infection par ce virus.
Ces signes ne sont cependant guère spécifiques. Ils sont aisément confondus avec ceux de la dengue ou du chikungunya. Le diagnostic précis ne peut être posé qu’après une analyse sérologique d’échantillons de sang et l’amplification du matériel génétique du virus par transcription inverse et amplification en chaîne par polymérase (RT-PCR). Ces difficultés de diagnostic font que l’on connaît mal l’étendue réelle de l’endémicité de l’infection par le virus Mayaro. À titre d’exemple, et selon une étude menée par des médecins brésiliens en 2015, sur cent personnes ayant une dengue déclarée, vingt avaient bien été exposées au virus de la dengue et trois au virus Mayaro ; 77 p. 100 des cas étiquetés « dengue » relevaient donc d’une cause, ou étiologie, inconnue ! Ainsi, l’étendue de la maladie peut être sous-évaluée comme surévaluée en l’absence d’une recherche systématique d’anticorps Mayaro chez les malades. Dans les zones rurales d’endémicité reconnue (en Bolivie et au Brésil notamment), un grand nombre d’habitants (plusieurs dizaines pour cent) se sont révélés séropositifs pour le virus Mayaro et ses variants, et ont donc été infectés.
Il n’y a pas de traitement spécifique, mais les médecins admettent[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Médias
Autres références
-
MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 8 030 mots
- 7 médias
...manière suffisante pour être transmissible en d’autres lieux. On retrouve ces jeux de contraintes chez le virus de la langue bleue, les virus amazoniens ( Mayaro, Oropouche), ou encore dans la lente progression hors d’Amérique du Sud, du trypanosome à l’origine de la maladie de Chagas. A contrario, c’est...