MAYARO FIÈVRE ET VIRUS
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Le passage à un cycle urbain ?
En 2017, la maladie a peu de conséquences mais, du fait de la rareté des cas, la véritable pathogénicité du virus reste mal définie et ne pourrait être connue que si une épidémie étendue intervenait. C’est ce qui s’est passé pour le virus Zika et l’observation de cas de microcéphalie qui n’avaient pas été notés auparavant. La crainte est le passage d’un cycle sylvatique, responsable de petites épidémies locales affectant au plus quelques dizaines de personnes et des visiteurs de passage, à un cycle de type urbain (homme-moustique-homme), qui pourrait produire des épisodes épidémiques beaucoup plus amples, comme pour la dengue et le chikungunya. Néanmoins, on ne passe pas si facilement du cycle sylvestre d’un virus ou d’un parasite à un cycle urbain dans lequel le réservoir du pathogène est devenu principalement l’homme et le vecteur un insecte ayant un fort tropisme envers l’homme. Cependant, ce passage existe et peut se mettre en place à tout moment si les circonstances lui sont favorables (forte densité humaine infectée et vecteur anthropophile). Le virus a d’ailleurs été observé dans deux villes brésiliennes au moins, dont Manaus en 2008, mais ne semble pas avoir persisté dans le temps.
Les poussées épidémiques notées au Brésil, en Bolivie, en Colombie et au Venezuela ne sont pas vraiment sorties d’un cadre local. Il est possible que ce relatif confinement appartienne en fait déjà au passé. Au cours de l’été 2016, un cas de fièvre Mayaro a en effet été observé à Haïti. Il semble qu’il s’agisse d’un cas autochtone, par opposition aux cas d’importation assez fréquemment observés chez les voyageurs. En outre, selon les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) d’Atlanta, le virus est différent du virus brésilien et pourrait être issu de la recombinaison de plusieurs souches virales ou encore de la recombinaison avec un autre alphavirus local. Le cas d’Haïti a été précédé par bien d’autres, au Mexique par exemple, qui traduisent la progression discrète du virus hors de son aire de distribution « originelle ». S’agit-il de signes annonciateurs du début d’une extension épidémique ? C’est la crainte manifestée par les autorités péruviennes en 2017 et cela traduit, en tout cas, l’installation du virus dans ces zones géographiques. La surveillance sérologique et la désinsectisation des zones à risque sont des mesures indispensables pour éviter la mise en place d’une nouvelle maladie humaine vectorielle à transmission homme-moustique-homme. Cela s’impose d’autant plus que le virus a été retrouvé chez des Aedes, dont le moustique tigre, déjà vecteur de la dengue, de la fièvre jaune et du chikungunya, et qu’il a été démontré dès 2011 qu’Aedes egyptiétait capable de le transmettre.
Au-delà, il faut se demander pourquoi des virus arthritogènes, autrefois confinés à l’Afrique, à l’Asie ou à l’Amazonie, ont rapidement envahi plusieurs continents, passant ainsi d’un caractère sporadique à un stade pandémique. La possible extension de l’aire de distribution du virus Mayaro survient juste après l’épidémie inattendue de virus Zika, qui a elle-même suivi celle de la dengue et du chikungunya. C’est une source d’inquiétude pour les autorités sanitaires, d’autant que d’autres virus menacent de suivre le même chemin, comme ceux de l’encéphalite équine vénézuélienne et le virus Oropouche. Ce dernier virus, découvert en 1955, est un orthobunyavirus, transmis par un moucheron de type Culicides mais aussi par des moustiques ordinaires. Il provoque une maladie semblable aux autres fièvres dues à des virus arthritogènes, mais des cas datés de 2017 survenus au centre du Brésil montrent une aggravation de certains vers une méningite. En 2024, le décès au Brésil de plusieurs[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 8 030 mots
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...manière suffisante pour être transmissible en d’autres lieux. On retrouve ces jeux de contraintes chez le virus de la langue bleue, les virus amazoniens ( Mayaro, Oropouche), ou encore dans la lente progression hors d’Amérique du Sud, du trypanosome à l’origine de la maladie de Chagas. A contrario, c’est...