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ZIKA FIÈVRE ET VIRUS

Microcéphalie et syndrome de Guillain & Barré

Têtes d’un bébé normal et d’un bébé microcéphale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Têtes d’un bébé normal et d’un bébé microcéphale

Si la fièvre Zika avait conservé son innocuité initiale, il est probable qu’elle n’aurait attiré l’attention de personne, hormis des virologistes. Or, déjà en Polynésie française, des cas de microcéphalie (un développement anormalement restreint de la boîte crânienne et du cerveau) avaient été repérés parmi les enfants nés de femmes infectées par Zika pendant leur grossesse. Au Brésil, le nombre de cas de microcéphalie prend une ampleur spectaculaire : 2 780 cas en 2015, contre 150 en 2014, soit une augmentation de l’ordre de vingt fois. Le lien épidémiologique entre infection et microcéphalie est certain en Polynésie, selon une étude rétrospective des années 2013 à 2015 publiée en mars 2016. Il devient très probable au Brésil, mais est plus difficile à affirmer dans la mesure où d’autres facteurs, peut-être certains insecticides, ont pu intervenir. L’infection par le virus Zika pendant le premier trimestre de la grossesse serait ainsi responsable de la microcéphalie. Ce point a été démontré formellement en avril 2016 : le virus peut infecter et tuer les cellules souches du système nerveux dans l’embryon de mammifère. Cette situation n’a rien d’exceptionnel. Elle correspond à d’autres virus comme ceux de la varicelle et de la rubéole, qui comportent des risques dont les femmes enceintes sont – normalement – averties.

L’épidémie de virus Zika est également associée à une augmentation marquée du nombre de cas de syndrome de Guillain & Barré, un trouble neurologique inflammatoire d’origine auto-immune, qui se manifeste essentiellement par une paralysie des membres inférieurs brutale (paralysie flasque), puis progressive. Les signes disparaissent spontanément en quelques mois dans la majorité des cas, mais des formes graves et persistantes existent, et une assistance respiratoire est requise dans 20 p. 100 des cas. Ici encore, une étude rétrospective menée en Polynésie indique une corrélation très forte entre syndrome de Guillain & Barré et infection par le virus Zika. Au Brésil, une autre infection virale peut contribuer à la maladie, mais le lien du syndrome avec le virus Zika est très fort. Au demeurant, des troubles neurologiques ne sont pas rares lors d’infections virales et l’analyse des données est gênée, au Brésil, par la fréquence de la dengue, et ailleurs par celle de la dengue et du chikungunya.

Comment se fait-il que ces manifestations, graves et spectaculaires, soient restées inaperçues jusqu’en 2013 et l’infestation de la Polynésie française ? Peut-être ont-elles existé mais n’ont-elles pas été repérées du fait d’une mortalité infantile élevée et (ou) de l’absence de statistiques adéquates. Cela est possible, mais non documenté. On sait depuis février 2016 que le virus perturbe le développement des cellules nerveuses embryonnaires. La raison peut également être d’ordre génétique. La comparaison des génomes des diverses souches de virus qui circulent montre bien des mutations, en particulier des différences entre les souches afro-asiatiques plus anciennes dans les populations humaines et celles responsables de l’épidémie brésilienne. Une étude publiée en septembre 2017 montre qu’une mutation est survenue dans la souche responsable de l’épidémie de Polynésie française. Cette mutation conférerait au virus un pouvoir pathogène accru sur les cellules nerveuses de l’embryon de souris.

Une hypothèse de nature radicalement différente avance que le virus Zika, muté ou non, en Polynésie comme en Amérique, a infecté des populations humaines qui n’avaient jamais été exposées à lui précédemment et qui n’avaient pas développé la moindre immunité contre lui. Le phénomène observé serait alors transitoire et lié à un front d’infection progressant plus rapidement que la protection immunitaire humaine, par exemple, celle[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Les voyages du virus Zika - crédits : Encyclopædia Universalis France

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