FIGURATION NARRATIVE, Paris 1960-1972 (exposition)
Depuis l'exposition de 1965 présentée à la galerie Creuze, à Paris, qui accompagna la naissance de la figuration narrative, aucune rétrospective au niveau national n'avait permis de prendre la mesure de ce courant qui, en affirmant une nouvelle « imagerie », inventa un langage pictural. Longtemps considérée comme une réponse française au formalisme du pop art, la figuration narrative souffrit quelque temps de l'ombre que lui fit le géant américain, plus structuré dans ses partis pris formels, plus organisé dans ses stratégies de conquête collective. Les outils utilisés – le report photographique, l'épiscope, le traitement en aplats et l'usage d'une image banale diffusée par voie de presse – rapprochaient, il est vrai, les œuvres réalisées des enjeux stylistiques du pop américain. Mais les modes de réflexion de l'école américaine se révélèrent bien vite étrangers aux mentalités et comportements parisiens.
À l'évidence, la diversité des langages mis en place par les protagonistes français ne plaida pas en faveur d'une définition claire de la narration. Ce qui allait unir les uns et les autres, c'était moins la théorie extrêmement subtile pour définir une représentation figurée dans la durée, élaborée par le critique d'art Gérald Gassiot-Talabot, qu'un état d'esprit nourri des principes de l'insolence, de la subversion politique et de l'ironie face à tous les pouvoirs en place. Cette communauté artistique, qui s'empara de la culture des médias, détourna les codes de la publicité et affronta les symboles de l'espace urbain pour en dénoncer les pièges, annonçait une forme de sensibilité qui allait être celle, fortement exprimée, des journées de Mai-68.
Co-organisée par le Centre Georges-Pompidou et la Réunion des musées nationaux, Figuration narrative. Paris, 1960-1972 fut présentée du 16 avril au 12 juillet 2008 dans les Galeries nationales du Grand Palais, à Paris. La tâche des organisateurs de l'exposition n'était pas aisée, compte tenu de la composition à géométrie variable d'un mouvement qui, tout en se distinguant par l'originalité de la mise en espace des images sur la toile, rejoignait par ses thématiques une peinture d'histoire défendue dans les années 1960 par les représentants du Salon de la jeune peinture, notamment par Gilles Aillaud et Eduardo Arroyo qui exercèrent une influence déterminante. Fallait-il s'en tenir au noyau dur de la figuration narrative, composé d'Hervé Télémaque, Bernard Rancillac, Erró, Jacques Monory, Peter Klasen, Valerio Adami, Jan Voss, ou s'ouvrir à ceux qui par d'autres voies avaient recherché une adéquation entre la volonté de prise sur le monde et les moyens visuels ? C'est cette dernière solution qui fut retenue par les commissaires de l'exposition, Jean-Pierre Ameline et Bénédicte Ajac. Leur choix aboutit à l'invitation de 17 artistes auxquels il faut ajouter deux collectifs : Equipo Crónica et la Coopérative des Malassis. En dépit de la qualité des œuvres choisies et du découpage thématique opéré pour l'exposition (« Mythologies quotidiennes », « Objets et bandes dessinées », « L'art du détournement », « La peinture est un roman noir », « Une figuration politique »), l'accrochage n'échappait pas à un effet d'accumulation qui fit parfois jouer en mineur des artistes dont le tempérament nous avait habitués jusqu'ici à la démesure. L'espace du lieu, trop restreint pour une telle manifestation, est également à prendre en considération. D'autant que cette génération joua très fréquemment des relations entre objet réel et image peinte (Télémaque, Klasen), des éclatements, comme la fragmentation de la toile sur le mur (Monory, Rancillac), destinés à accuser le climat psychologique de la composition. Toutes choses nécessitant des mètres linéaires, de l'espace au sol.[...]
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Écrit par
- Anne TRONCHE : critique d'art, commissaire d'expositions
Classification
Média