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FIGURES DE LA PASSION et L'INVENTION DU SENTIMENT (expositions)

Les deux expositions organisées par le musée de la Musique à Paris (Figures de la passion du 23 octobre 2001 au 20 janvier 2002, L'Invention du sentiment du 2 avril au 30 juin 2002) et les manifestations qui les accompagnèrent (colloque international, concerts, conférences...) ont sans nul doute obligé un nombreux public à secouer certaines routines. On sépare en effet d'habitude l'étude des arts visuels de celle de la musique, l'exposé des théories esthétiques de la délectation des œuvres. Ici, le parcours muséal comme les deux savants catalogues (accompagnés de CD regroupant les exemples musicaux) proposaient un dialogue constant entre les arts visuels et la musique comme entre théorie et plaisir esthétique. La question du « parallèle » des arts ou, si l'on préfère, de leurs « correspondances » y était abordée à partir de l'opposition et de l'articulation entre « passions » et « sentiment ».

Un premier volet, correspondant au xviie siècle et à la première moitié du xviiie (Figures de la passion), précédait le second, consacré à la période 1760-1830 et à L'Invention du sentiment. Si la France, dans ce panorama, se trouvait privilégiée, l'Italie, l'Angleterre et l'Allemagne y étaient aussi plus ou moins bien représentées. L'ambition du propos mérite d'être soulignée. Elle fait, bien sûr, regretter quelques lacunes, par exemple l'absence d'œuvres majeures de Friedrich et de Turner. Le paysage était un peu négligé dans la seconde exposition. Essentiel dans l'émergence d'un nouveau langage artistique, il n'était le plus souvent évoqué que par des artistes ou des œuvres secondaires. Les organisateurs ont pourtant su tirer parti de ces limites et compenser ces manques de façon intelligente, en faisant notamment largement appel au dessin et à l'estampe.

La démonstration était peut-être plus facile à mener dans le cadre de la première exposition, qui recensait les principales « passions de l'âme », des plus douloureuses aux plus gaies, Descartes ou Le Brun à l'appui, et en étudiait l'expression grâce à un beau choix d'exemples tant plastiques que musicaux. La volonté de classement, une certaine mise à distance de l'œuvre et la codification des procédés que suppose cette rhétorique des affetti s'accordaient bien au « dossier » savamment constitué qui nous était présenté. Mais aborder la période suivante, le passage des différentes « passions » au monde plus diffus, à l'unité indicible et intuitive du sentiment n'était pas sans poser de réels problèmes. Autant le terme « passion » recouvre nombre de déterminations précises, autant celui de « sentiment » demeure flou. D'où des ambiguïtés, des confrontations peu convaincantes entre de pures inventions (et plus satiriques que vraiment « sentimentales »), comme les Caprices de Goya, et des œuvres plus ou moins illustratives, comme les magnifiques (et fort différentes) séries de Faust par Cornelius et par Delacroix ou les scènes de Shakespeare selon Füssli.

En réalité, l'exposition privilégiait essentiellement la composante littéraire des différents arts. Les analyses du catalogue, précises et bien menées, insistent toujours sur le contenu de l'œuvre – tableau d'histoire, oratorio ou opéra. On sent un certain embarras quand l'argument s'éloigne du modèle rassurant de la narration. Comment rendre compte des différences ou des analogies qui peuvent exister entre le traitement du matériau thématique dans tel quatuor de Beethoven ou tel quintette de Schubert et l'image élaborée par un peintre ou un graveur de la même époque ?

Il était sans doute difficile de faire comprendre comment l'œuvre d'art (plastique) est expressive non seulement par son contenu[...]

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