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FIGURES PARFAITES. HOMMAGE À EMMANUEL SOUGEZ (exposition)

L'expositionFigures parfaites. Hommage à Emmanuel Sougez, qui s'est tenue au musée de Grenoble du 28 janvier au 1er avril 2001, confirmait l'engagement du musée dans la présentation de collections photographiques, à la fois par son ampleur – plus de 120 photographies dues à 29 photographes – et par son succès auprès du public et de la critique.

L'exposition s'ouvrait sur une salle consacrée à Emmanuel Sougez (1889-1972), considéré comme le chef de file de la Photographie pure en France. Cette esthétique, née aux États-Unis dès avant la Première Guerre mondiale, s'est répandue au début des années 1920 en Europe, mais en France, où le pictorialisme perdure, elle s'est imposée avec plus de difficulté.

La reconnaissance arrive en 1928, lors du premier Salon indépendant de la photographie, dit Salon de l'Escalier, organisé à Paris. Le compte rendu qu'en fait le critique Florent Fels dans la revue L'Art vivant a valeur de manifeste : « Tous ont le souci d'être exacts, nets, précis. [...] Ils ne trichent ni avec le modèle ni avec un métier, qui, pour être qualifié d'art, doit posséder ses lois propres. » Sougez participe pleinement à cette mouvance par la qualité même de ses photographies qui séduisent publicitaires et éditeurs, par sa capacité à transmettre, notamment par ses écrits, son savoir-faire, comme par sa volonté de fédérer la profession en fondant en 1937 Le Rectangle, dont le nom devait évoquer régularité, harmonie, rigueur et discipline, et en participant activement à la création du groupe des Quinze en 1946. Des travaux de certains membres de ces associations – Yvonne Chevalier, Daniel Masclet, Jean Roubier, Marcel Bovis, René-Jacques – étaient présentés à l'exposition de Grenoble. Mais celle-ci s'ouvrait à bien d'autres photographes, dont le lien est de partager une même esthétique, forgée pour beaucoup par les nombreux étrangers installés à Paris – tels le Roumain Aurel Bauh, les Hongrois Nora Dumas, Emeric Feher, André Kertész, François Kollar, Ergy Landau, André Steiner, les Allemands Horst P. Horst, Germaine Krull – et par des personnalités n'hésitant pas à traverser les frontières – comme Florence Henri qui importe en France la Nouvelle Vision enseignée au Bauhaus. C'est donc l'école de Paris dans ce qu'elle a de plus cosmopolite qui est invoquée et non la « photographie à la française » mise en avant par les protagonistes du Rectangle (et d'autres) à la fin des années 1930, dans un contexte empreint de nationalisme. On regrettera que ce mouvement de balancier, entre ouverture et exclusion, ne soit pas commenté dans le catalogue – d'autant que la lecture formaliste défendue par l'exposition aurait fort bien pu s'y prêter. D'autres regroupements découlaient des liens amicaux ou professionnels qui unissaient certains photographes, comme Pierre Boucher, René Zuber, Emeric Feher, au sein de l'agence Alliance-Photo ; enfin, grâce à des photographies habilement choisies, des passerelles étaient lancées entre pictorialisme et Nouvelle Vision via le travail de Laure Albin-Guillot, entre Nouvelle Vision et surréalisme par le biais de Dora Maar, élève de Sougez, de Jacques-André Boiffard, et deMan Ray, qui, à cette époque, était qualifié de « complice du hasard » en opposition à « l'ennemi du hasard » qu'était Sougez.

L'histoire de la photographie, dans toute sa complexité, était donc bien l'inspiratrice de cette exposition, mais elle n'en a pas dicté l'accrochage, qui reposait sur le jeu des parentés formelles, en s'appuyant sur trois thèmes chers à Sougez, choisis pour leur caractère d'exemplarité : le nu, la nature morte et la machine. Ici réside précisément la réussite de l'exposition dont le titre est explicite : en effet, quel que soit le sujet abordé,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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