FILARÈTE (1400 env.-env. 1469)
Le théoricien de « Sforzinda »
Ce plan – si les apports des siècles ne permettent plus de le discerner avec précision dans le monument actuel – nous est bien connu grâce à la description qu'en fait l'artiste lui-même dans un des livres de son Trattato di architettura. En effet, cet ouvrage fameux n'est pas seulement une étude théorique, il fourmille aussi de réminiscences personnelles. C'est durant son séjour à Milan que, de 1460 à 1465, Filarète le compose. On connaît le texte italien par cinq manuscrits, mais l'édition intégrale imprimée ne date que de 1965 (traduction anglaise avec le texte reproduit en fac-similé par J. R. Spencer). L'édition allemande de W. De Œttingen parue en 1890 n'était que partielle. Premier traité théorique en langue vulgaire (le De re aedificatoria de L. B. Alberti, antérieur, est en latin), le Trattato relate la construction de la ville idéale « Sforzinda ». Averlino s'inspire des théories d'Alberti dans sa description d'une cité extrêmement régulière, polygone étoilé de seize côtés. Ses rues rayonnantes – toutes bordées de canaux, souvenir de Venise – aboutissent à la piazza, centre de la vie civique et administrative.
Il ne faut pas chercher dans ce récit la science et le raffinement d'Alberti ; on y trouve bien plutôt la spontanéité d'un roman dont le manque de rigueur n'est pas toujours sans charme : Filarète s'éloigne de son sujet, fait des digressions lorsqu'il quitte la fiction pour le réel. Quand il s'agit de ses propres œuvres, il est intarissable (nous savons tout de l'hôpital de Milan ou du dôme de Bergame) ; il fait partager ses goûts au lecteur, son enthousiasme pour les monuments antiques, critique les formes architecturales modernes (les arcs brisés si nombreux alors à Milan) et ne dédaigne pas de s'abaisser à des détails concrets, comme la nourriture et le paiement des ouvriers ; mais il sait aussi être poète. Un même esprit anime les dessins et le texte du Traité : les plans rigoureux de certains édifices réels voisinent avec les architectures les plus fantaisistes. M. Salmi a montré que cette fantaisie était en fait un curieux mélange de formes inspirées de l'Antiquité et du Moyen Âge, plus qu'une recherche originale.
Le traité théorique de Filarète a donc les mêmes caractères que ses œuvres ; Averlino n'a pas eu assez de génie pour imposer des schémas nouveaux, mais il a préparé ses contemporains à comprendre les réalisations les plus parfaites de la Renaissance.
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Écrit par
- Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE : conservateur de la bibliothèque de l'École française de Rome
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