BRUNELLESCHI FILIPPO (1377-1446)
La coupole de Sainte-Marie-de-la-Fleur
La construction de la coupole de la cathédrale de Florence s'est poursuivie tout au long de la carrière de Brunelleschi et en constitue le problème central. La coupole proprement dite fut commencée en 1420 et terminée en 1436 ; en 1438 fut entreprise la construction des tribunes, corps semi-cylindriques à la base du tambour, destinés à équilibrer le volume de la coupole ; le modèle de la lanterne, qui résume, conclut et précise la signification spatiale de l'ensemble, date de 1432.
La coupole de Brunelleschi symbolise la civilisation de la Renaissance. Sa nouveauté est d'ordre à la fois idéologique, urbaniste, formel et technique. La cathédrale de Florence, conçue par Arnolfo di Cambio dans les dernières années du xiiie siècle et élevée jusqu'au tambour au cours du xive siècle (avec de notables modifications par rapport au projet initial), constituait le symbole de la Cité. Au milieu du xive siècle, Giotto avait souligné ce caractère avec le haut campanile qui marque le centre idéal et l'axe de la ville. Lorsque Brunelleschi affronte le problème de l'achèvement de la cathédrale, Florence n'est plus une communauté enclose dans ses vieilles murailles, mais un petit État qui étend sa domination ou son influence sur une grande partie de la Toscane. L'artiste veut exprimer cette nouvelle réalité historico-politique dans la forme de la coupole : celle-ci doit résumer, ré-interpréter, récapituler et, en même temps, se poser en tant que construction autonome. Elle sera une forme, la plus « enflée » possible : non pas comme une calotte appuyée sur le corps de l'église, mais comme une structure de « crêtes et de voiles » qui le développe en extension et en hauteur, en rapport avec l' espace urbain et l'espace libre du ciel. Alberti la dit « ample au point de couvrir de son ombre tous les peuples de Toscane ». La coupole domine l'espace « politique » de la cité, en constitue le pivot, le met en rapport direct et visible avec l'horizon des collines et l'immense dôme du ciel. Elle exprime aussi la signification historique de la ville et son origine, la coupole étant un élément caractéristique de l'architecture romaine. La coupole de Brunelleschi proportionne, en les équilibrant, les pleins et les vides de l'église ; elle développe en hauteur la profondeur longitudinale des nefs, en les reliant aux expansions latérales de la tribune « en forme de fleur ». Par la convergence de ses arêtes vers un point central, elle remplit une fonction spatiale : la lanterne en marque l'axe vertical, en suggérant, par les contreforts en éventail, une continuelle rotation des plans.
Cette construction stupéfia par sa nouveauté et l'audace de sa technique : pour la première fois, on construisait une coupole sans la soutenir par des échafaudages en bois. Les expédients techniques que Brunelleschi mit en œuvre à cette fin (par exemple, les assises de briques disposées en arêtes de poisson) sont, en partie, le fruit de ses études relatives aux systèmes de maçonnerie de l'Antiquité : toutefois, la nécessité de l'« autosoutien » était inhérente à la conception d'une coupole qui ne pèse plus sur l'édifice, mais se déploie vers le haut, par la tension de son profil ogival. Cette innovation constitue un tournant décisif : l'architecte n'est plus le chef d'une maîtrise de personnes spécialisées dans les divers travaux, mais l'inventeur et du projet et de la technique de l'exécution. Dans ses autres œuvres, Brunelleschi réduira encore l'autonomie traditionnelle des exécutants : il adaptera la décoration (colonnes, chapiteaux, corniches, etc.) aux types classiques, sans recours aux sculpteurs, ce qui permettra l'exécution rapide de grands projets.
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Écrit par
- Gian-Carlo ARGAN : professeur à l'université de Rome
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