MARINETTI FILIPPO TOMMASO (1876-1944)
Théorie et action futuriste
Le premier manifeste futuriste paraît dans Le Figaro du 20 février 1909, le dernier est de 1941 ; ils témoignent d'une recherche continue dans tous les domaines : littérature, peinture, architecture, théâtre, politique, cinéma, mode, cuisine... Présentés comme des œuvres de réflexion collective, ils sont dus pour la plupart à Marinetti ; les récits allégoriques qui les illustrent (cf. Tuons le clair de lune, 1909), leur lyrisme, leur agressivité représentent l'aspect le plus original de son œuvre.
À l'aurore du monde industriel, le poète découvre que de la technique va naître un homme nouveau, qui ne peut plus sentir, penser, créer à la manière des générations précédentes : « Le futurisme se fonde sur le renouvellement total de la sensibilité humaine produit par les grandes découvertes scientifiques. » Le futuriste dénonce la stérilité des cultures passées : « Admirer un vieux tableau, c'est verser notre sensibilité dans une urne funéraire... » et à la révolte « Boutez donc le feu aux rayons des bibliothèques ! Détournez le cours des canaux pour inonder les caveaux des musées ! » Marinetti chante la technique, le monde moderne et sa beauté qui naît avant tout du mouvement : « Une automobile de course [...] rugissante est plus belle que la Victoire de Samothrace. » L'esthétique de la vitesse est sans doute l'apport le plus fructueux du futurisme (recherche de la simultanéité et de la multiplication des sensations). Dans son amour pour la machine, Marinetti finit par imaginer la formation d'un type non humain et mécanique d'être, vivant dans un univers uniquement électrique et métallique (Le Règne de la machine [Il Regno della macchina, 1910]). Dominé par « l'obsession lyrique de la matière », il cherche des techniques littéraires nouvelles ; Les Mots en liberté (Le Parole in libertà, manifeste italien de 1913), délivrés du carcan de la syntaxe, de la ponctuation, de la logique même sont seuls capables de rendre l'intensité de la vie moderne : style télégraphique, onomatopées, typographie variée et colorée (cf. Destruction de la syntaxe ; Imagination sans fil). Il poursuit sa recherche au théâtre (actions simultanées), en musique (introduction des bruits par L. Russolo), en peinture.
Cependant le futurisme ne veut pas seulement être une nouvelle manière d'écrire, mais une nouvelle manière de vivre ; exalter le mouvement, c'est aussi aimer le danger et la guerre « seule hygiène du monde ». Au cours des tumultueuses « soirées futuristes », Marinetti introduit « le coup de poing dans la lutte artistique », au service du nationalisme italien (manifeste Trieste, notre belle poudrière [Trieste nostra bella polveriera]) et souhaite, en 1914, l'intervention de l'Italie aux côtés des Alliés. La nouvelle formule est « l'Art-action ».
La production littéraire de Marinetti après 1909 est une tentative pour concilier un lyrisme « passéiste » avec la nouvelle idéologie ; dans Mafarka le futuriste (1910), le héros met au monde sans l'aide d'une femme un être mi-humain, mi-aéroplane, destiné à détrôner le Soleil (synthèse du prométhéisme symboliste et de la découverte de la technique). Le poète-pilote du Monoplan du pape (1912) suspend ironiquement le pape à son avion pour aller lutter victorieusement contre l'Autriche. Les recherches formelles dominent après 1912 : Zang Tumb Tumb est un reportage de la guerre de Libye où les « mots en liberté » et les audaces typographiques visent à rendre l'euphorie barbare de la lutte.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Muriel GALLOT : agrégée de l'Université, maître de conférences à l'université de Toulouse-Le-Mirail
Classification
Médias
Autres références
-
ÉPHÉMÈRE, arts
- Écrit par Véronique GOUDINOUX
- 2 188 mots
En 1911, Filippo Tommaso Marinetti, l'inventeur du futurisme, proclamait avec virulence : « À la poésie du souvenir nostalgique, nous opposons la poésie de l'attente fiévreuse. Aux larmes de la beauté qui se penche tendrement sur les tombes, nous opposons le profil tranchant, aiguisé, du...
-
FUTURISME. MANIFESTES, DOCUMENTS, PROCLAMATIONS, Giovanni Lista - Fiche de lecture
- Écrit par Jacinto LAGEIRA
- 964 mots
- 1 média
Lancé officiellement par son fondateur, l'écrivain Filippo Tommaso Marinetti, dans le Figaro du 20 février 1909, le Manifeste du futurisme est un texte de portée générale sur les nouvelles attitudes pratiques et esthétiques à adopter vis-à-vis du passé comme du futur. On y trouve déjà formulé... -
FUTURISME
- Écrit par Jean-Louis COMOLLI , Claude FRONTISI et Claude KASTLER
- 5 031 mots
- 9 médias
...bientôt d'autres amitiés picturales : avec Carlo Carrà, puis Luigi Russolo, Romolo Romani et Aroldo Bonzagni. Cette même année 1909 se produit encore la rencontre décisive avecMarinetti, le remuant directeur de Poesia, dont Le Figaro a publié le 20 février précédent le manifeste fondateur. -
AVANT-GARDE
- Écrit par Marie-Laure BERNADAC , Nicole BRENEZ , Antoine GARRIGUES , Jacinto LAGEIRA et Olivier NEVEUX
- 10 106 mots
- 11 médias
Le 12 avril 1912, Filippo Tommaso Marinetti écrivait à Francesco Balilla Pratella, le chef de l'école musicale futuriste : « Ravel est considéré à juste titre comme le plus grand musicien français. Il est absolument indispensable et nécessaire que tu le dépasses et que tu l'écrases à Paris par un éclat... - Afficher les 8 références