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FIN DE PARTIE, Samuel Beckett Fiche de lecture

<em>Fin de partie </em>de S. Beckett, mise en scène de Simon McBurney - crédits : Robbie Jack/ Corbis/ Getty Images

Fin de partie de S. Beckett, mise en scène de Simon McBurney

Fin de partie est la deuxième pièce représentée, après En attendant Godot (1953), de Samuel Beckett (1906-1989). Créée en français au Royal Court Theatre de Londres le 1er avril 1957 et suivie d’Acte sans paroles, elle sera montée quelques semaines plus tard à Paris, au Studio des Champs-Élysées, dans une mise en scène de Roger Blin, à qui elle est dédiée.

À cinquante et un ans, l’écrivain irlandais n’est pas un débutant. Il a publié plusieurs romans : Murphy (1938) et Watt (1953) en anglais, puis, en français, Molloy(1951), Malone meurt (1951) et LInnommable (1953), parus aux jeunes éditions de Minuit. Si la critique est divisée, le succès d’En attendantGodot, dans le contexte favorable d’un certain engouement pour ce qu’on appelle le « théâtre de l’absurde » (Eugène Ionesco, Arthur Adamov), auquel Beckett refusera toujours d’être rattaché, est confirmé par celui de Fin de partie. Les deux pièces constituent, avec Oh les beaux jours (1963), ce qu’on a pu appeler son « premier théâtre », avant les textes de plus en plus dépouillés des décennies suivantes comme La Dernière bande (1959), Comédie (1963), Pas moi (1972), Solo (1979) ou encore Catastrophe (1982). Fin de partie est l’une des pièces les plus jouées de l’auteur, qui l’a lui-même mise en scène en 1967 à Berlin.

« Ça ne va donc jamais finir »

Dans un décor minimaliste ‒ « Intérieur sans meubles. Lumière grisâtre. Aux murs de droite et de gauche, vers le fond, deux petites fenêtres haut perchées, rideaux fermés », avec une porte donnant sur une cuisine invisible ‒, la pièce met aux prises quatre personnages dont nous comprenons peu à peu les liens qui les (dés)unissent. Au centre, Hamm, vieil aveugle paralytique, cloué dans son fauteuil. À ses côtés, Clov, à peine plus valide (il voit de plus en plus mal, boîte et ne peut s’asseoir), orphelin recueilli jadis par Hamm qui le traite comme son domestique et son souffre-douleur. En retrait, relégués dans deux poubelles dont ils émergent de temps à autre, Nagg et Nell, géniteurs de Hamm, tous deux amputés des jambes à la suite d’un accident de tandem.

Dépourvue d’intrigue et d’action, Fin de partie se présente commeune succession de dialogues décousus et fragmentaires, troués de silences et ponctués de pantomimes et de saynètes plus ou moins burlesques où interviennent des éléments du décor (les fenêtres, les poubelles, le buffet invisible dans la cuisine) ou des accessoires (mouchoir, escabeau, lunette, gaffe, sifflet, chien en peluche…). Comme en écho à la dramaturgie classique – mais sur le mode parodique –, les dialogues alternent avec des monologues et des tirades, de Hamm principalement : première apparition au début de la pièce, prophétie de l’avenir de Clov, histoire du fou, récit romanesque du misérable mendiant du pain pour son enfant, discours final… La pièce ne présente ni progression ni structure proprement dite. Gestes et paroles obéissent ici plutôt à la compulsion de répétition qui traverse toute l’œuvre de Beckett : leitmotiv de la fin (« ça ne va donc jamais finir »), départs réguliers de Clov, retour des pantomimes, récurrence de certaines didascalies… Celles-ci, justement, prolifèrent, contraignant la représentation, renforçant d’un côté la théâtralité du texte tout en estompant de l’autre la frontière entre discours dramatique et narration. Il serait abusif de parler ici d’exposition et de dénouement, encore moins de péripéties : Fin de partie se clôt sur une forme de circularité (Hamm remet son mouchoir sur son visage et reprend sa posture du début) qui semble exclure toute conclusion, comme l’atteste le nouveau faux départ de Clov, « près de la porte, impassible, les yeux fixés sur Hamm ». Tout est prêt à recommencer.

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<em>Fin de partie </em>de S. Beckett, mise en scène de Simon McBurney - crédits : Robbie Jack/ Corbis/ Getty Images

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