FINALITÉ
Caractères postulés par la description
Cette description de l'activité finaliste n'est pas sérieusement contestable. Même les antifinalistes doivent l'admettre, quitte à imaginer des micro-déterminismes sous-jacents, en profitant du fait que la finalité, descriptible, n'est pas strictement observable microscopiquement.
La description postule d'autre part des éléments non directement descriptibles, mais étroitement exigés pour la cohérence de la description et qui heurtent, cette fois directement, les postulats de la science objective et déterministe.
La conscience
Toute action finaliste postule l'existence de la conscience. Cette conscience peut être très vague, mais elle doit être présente au moins en quelques phases de l'action. La conscience du but, et surtout l'image du but manquent souvent. L'image du but demande un système nerveux perfectionné. Mais l'effort persistant, le besoin, la recherche d'information, le choix des moyens, tout cela est évidemment inconcevable sans conscience. L'inconscience relative de l'instinct est l'effet secondaire du morcellement de l'action. Mais ce morcellement ne peut aller jusqu'au pur « de proche en proche » causal, indiscernable du pur déterminisme, car alors on contredirait la description. Cette finalité sans enveloppe consciente serait un cercle carré. Pour les actions finalistes des organismes sans système nerveux, le postulat de conscience s'impose également et oblige à admettre une conscience primaire, mnémique, dépourvue de cerveau et même de système nerveux, non modulée par flux d'informations extérieures, mais inhérente à tout domaine organique manifestant un comportement thématisé. Dans l'embryogenèse, il y a quelques effets « de proche en proche » (inductions aberrantes, effets de mosaïque sans régulation), mais, normalement, les différenciations, globales et progressives à partir d'ébauches, ainsi que les comportements à régulation, dominent toute une région, toute une « aire présomptive ».
Parler de conscience, ce n'est pas faire appel à une sorte de phosphorescence magique ; c'est simplement exprimer le fait qu'il y a comportement domanial d'ensemble. Toute une région organique se comporte comme si elle se voyait elle-même, surmontant le « point par point » et l'« instant par instant » de l'espace et du temps dans leur définition abstraite. Cette existence-vision domaniale, d'une part, permet de choisir entre des moyens virtuels vus sur champ de possibles, d'autre part, autorise le thématisme enveloppant ces moyens. De la même façon que, dans un test en forme de matrice à compléter, les corrélats actuels, vus dans leur ensemble, évoquent la relation dominante, qui à son tour permet de compléter les corrélats.
La maîtrise de la durée
Toute action finaliste suppose le survol du temps aussi bien que de l'espace. Considérons d'abord le cas le plus complexe possible d'action finaliste, une action collective et conduite par des techniciens. Soit, par exemple, le débarquement sur la Lune. Les techniciens se portent, en pensée, vers le jour J, avec les moyens de réussite supposés réalisés. Par analyse, selon ce qu'impliquent les rapports entre la fin et les moyens, ils dégagent avec précision ces moyens, puis les moyens des moyens à mettre en œuvre. Cette analyse remonte idéalement le temps jusqu'au moment actuel, où la première chose à faire, c'est, par exemple, d'obtenir des crédits. Ensuite, tout se déroule dans le temps réel, à l'envers de l'analyse des implications, et conformément au plan, sauf incident et accident. Le même laps de temps est ainsi parcouru trois fois, deux fois idéalement (dont une fois à l'envers) et une fois réellement. Toute planification technique suppose le même survol du temps, qui permet de le parcourir idéalement, avant de le suivre dans[...]
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Écrit par
- Raymond RUYER : professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Nancy, correspondant de l'Institut
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