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FINALITÉ

La finalité dans le monde physique

Si l'on s'est donné tant de peine pour nier l'évidence de la finalité psychobiologique, c'est que, jusqu'aux dernières décennies, la physique paraissait reléguer la finalité dans l'archéologie de l'esprit. Il n'en est plus de même depuis l'avènement de la microphysique. Elle a d'abord fait prendre conscience (aux savants sinon aux philosophes) que la mécanique et la physique classiques avaient considéré à tort comme la réalité ce qui n'était qu'une apparence statistique secon-daire et que le déterminisme n'est valable que macroscopiquement. Elle a montré que les microsystèmes de particules et d'atomes, sans présenter l'équivalent des traits finalistes relevés dans l'étude des moments d'une action, offrent l'équivalent des traits plus fondamentaux abordés ensuite.

Les systèmes de particules ont un comportement « domanial » : leurs propriétés d'ensemble sont plus importantes que celles des particules comme entités isolées : les interactions de compatibilité ou d'interdiction, les spins conjugués, les liaisons délocalisées, les symétries en miroirs C, P, T, de particules à antiparticules, sans permettre, évidemment, de parler de conscience, de liberté, de finalité intentionnelle, autorisent à parler d'harmonie par « auto-survol ».

Plus spécialement, les symétries en miroir peuvent être temporelle. Dans les schémas de Feynman, l'électron positif, antiparticule de l'électron ordinaire, peut être considéré comme un électron remontant le temps ; l'arrivée d'une particule est équivalente à l'émission de son antiparticule. Les réactions entre les particules sont données en bloc dans un espace-temps où passé et futur sont symétriques. Elles deviennent des nœuds topologiques que l'on peut prendre par n'importe quel bout, sélectif ou dispersif, sans violenter la réalité. Amorce de survol du temps caractéristique de la finalité.

Le caractère épigénétique y est également apparent. L'ordre et l'organisation s'affirment contrairement aux lois statistiques thermodynamiques de l'entropie croissante. Au voisinage du zéro absolu, l'entropie (le désordre) tombe à une valeur nulle. La supraconductivité, la superfluidité de l'hélium liquide manifestent en grand un ordre, non dans l'espace des positions comme dans les cristaux, mais dans « l'espace des vitesses » ou « l'espace des comportements ». On fait ainsi mieux qu'entrevoir comment les grosses molécules, puis les molécules virales, à mi-chemin entre la chimie et la biologie, peuvent garder et perfectionner un ordre contre le désordre statistique, non seulement dans leur structure, mais dans leurs actions.

La dualité apparaît aussi en ce que les descriptions de particules, dans l'espace et dans le temps classiques, sont superficielles relativement aux groupes qui sélectionnent ou autorisent les particules possibles. De même que le tableau de Mendeleïev peut être considéré comme un sélecteur des atomes possibles, de même les tableaux de particules, en octets, eux-mêmes à base de figures élémentaires (les quarks), bien qu'ils n'aient été trouvés jusqu'à présent que par manipulation de symboles, sont probablement actifs dans un sous-espace à la manière de thèmes sélecteurs.

Quant au cosmos dans son ensemble, bien qu'il ne semble présenter aucun des caractères organiques et finalistes que les Anciens y voyaient, il peut se révéler comme plus microphysique que macrophysique, malgré l'étymologie des mots – et comme une sorte de particule, ou de sous-particule géante, justiciable par conséquent des lois et compatibilités microphysiques. On peut soutenir, à la manière de Henderson et de Harold Blum, qu'il est une sorte de condition[...]

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Écrit par

  • : professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Nancy, correspondant de l'Institut

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