FINANCE DE MARCHÉ Comportement des investisseurs
La théorie financière s'est développée depuis les années 1950 en s'appuyant sur des hypothèses draconiennes relatives au comportement supposé des investisseurs. Ces hypothèses résultent de la formalisation des préférences élaborée par John Von Neumann et Oskar Morgenstern (Theory of Games and Economic Behavior, 1947). Les marchés financiers sont supposés peuplés d'homo œconomicus infiniment intelligents, parfaitement rationnels, dénués de tout sentiment ou émotion. Ils sont de plus capables de traiter toutes les informations sans délai, en respectant les règles de la théorie des probabilités.
Cela a deux conséquences : la première est que les marchés sont efficients, c'est-à-dire que les informations sont reflétées instantanément dans les prix, et la seconde est qu'il n'existe pas d'opportunités d'arbitrage, c'est-à-dire de stratégies qui engendrent un profit sans mise initiale et sans prise de risque. Ces hypothèses sur le « fonctionnement » des investisseurs ont permis des progrès considérables dans les domaines de la modélisation des marchés, de l'évaluation des actifs financiers et de la gestion de portefeuille. Cela a également conduit à la création de nouveaux contrats financiers, qui ont eux-mêmes entraîné de nouvelles recherches académiques.
Ces développements théoriques ont été suivis par une grande quantité de travaux empiriques ; de plus, les progrès de l'économie expérimentale ont aussi conduit, dans l'environnement contrôlé du laboratoire, à l'étude approfondie des processus de prise de décision des agents économiques. Une part non négligeable de ces travaux a fait apparaître, d'une part, les limites de la théorie financière standard et, d'autre part, la violation quasi systématique des hypothèses comportementales usuelles censées régir la prise de décision des individus en situation de risque ou d'incertitude. C'est à la suite de l'accumulation de ces « anomalies » qu'est né le courant de recherche appelé aujourd'hui finance comportementale, qui étudie le comportement des investisseurs sur des bases alternatives à celles de la finance traditionnelle. Il trouve son origine dans une contribution de Maurice Allais qui, dès le début des années 1950, avait déjà remis en cause certains des axiomes posés par Von Neumann et Morgenstern. De même, la capacité supposée des individus à appliquer correctement la théorie des probabilités fut sérieusement mise à mal à plusieurs reprises, notamment par William Edwards en 1968. La remise en cause de l'approche classique s'est poursuivie et considérablement développée par les travaux de Daniel Kahneman et Amos Tversky à partir de leur article fondateur de 1979.
La finance comportementale est un domaine en pleine effervescence qui produit des résultats nombreux et diversifiés, en réintroduisant la psychologie de l'investisseur dans la modélisation. De multiples alternatives au modèle d'espérance d'utilité initialement proposé par Von Neumann et Morgenstern ont été formulées et, dans cet article, nous présentons celles qui nous paraissent les plus significatives, sans toutefois prétendre à l'exhaustivité.
Rationalité et efficience : les remises en cause
Les hypothèses de rationalité et d'aversion vis-à-vis du risque
Dans un univers risqué, un individu parfaitement rationnel prend des décisions de consommation et d'investissement en maximisant l'espérance (au sens probabiliste du terme) de sa fonction d'utilité. Celle-ci traduit la satisfaction engendrée par une consommation ou une richesse future donnée. Les rentabilités des investissements financiers étant aléatoires, les individus affectent des probabilités d'occurrence aux événements futurs et ces probabilités entrent dans le calcul de l'espérance.[...]
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Écrit par
- Patrick ROGER : professeur de finance à l'université Louis-Pasteur, Strasbourg
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