FIRDOUSI (940 env.-env. 1020)
Le grand poète épique de la littérature persane est un de ces hommes qui viennent bien à leur temps. Du fond des âges, par oral, par écrit, la culture iranienne avait amassé quantité de matériaux divers, tels les mythes de l'Iran païen, l'histoire du monde vue par Zoroastre, les gestes princières des Scythes ou des Parthes, des chroniques, des romans et des ouvrages didactiques. Des compilations en avaient été faites jusqu'aux premiers siècles de l'Islam. Firdousi a recentré ces matériaux sur quelques idées essentielles à la culture iranienne ; il l'a fait à une époque où la montée des Turcs à l'intérieur de l'empire musulman allait profondément remodeler la culture en Iran. Presque un siècle avant que n'apparaissent en France les premières chansons de geste, Firdousi a fixé dans une immense fresque toute cette culture, telle qu'elle était comprise de son temps. Sa langue n'a pas avec le persan contemporain la distance qu'il peut y avoir par exemple entre le roman et la langue française d'aujourd'hui ; son grand poème a marqué profondément la littérature persane et il continue d'être accessible à tous, dans le texte ou dans les récits des conteurs populaires.
Une vie difficile sur une terre aimée
Ce que l'on sait de Firdousi est dans son œuvre, Le Livre des rois(Shāhnāmè). Ce poème « de 60 000 distiques », selon sa propre expression, est le travail de sa vie. D'une famille de propriétaires terriens établie dans le district de Ṭūs (Khurāsān), il faisait partie de cette classe aisée que le passage du pays à l'Islam avait peu ébranlée ; elle assurait à sa façon, et pour un moment encore, la continuité culturelle avec l'Iran pré-islamique. Firdousi (ou Firdūsī, Ferdowsi, Firdawsī) est le nom de poète qu'il s'est lui-même donné. Il naquit vers 940 ; il avait trente-huit ans, a-t-il écrit, quand Maḥmūd affirma son autorité militaire, en 977. Il acheva la première rédaction de son livre à l'âge de soixante et onze ans, en 1010 et, de son propre aveu, mit la dernière main à son œuvre à « près de quatre-vingts ans » ; l'un de ses biographes donne l'année 411 de l'Hégire (1020-1021) comme date de sa mort. Il passa sa jeunesse dans la riche province du Khurāsān, gouvernée par la dynastie des Sāmānides, qui, de Bokhārā, avaient beaucoup fait pour le premier épanouissement des lettres persanes. Mais les Turcs prirent une grande importance dans les rangs de leurs armées et finirent par constituer une dynastie qui s'établit à Ghazna (Ghaznī, proche de Kaboul). En 999, le sultan Maḥmūd supplanta son frère et devint le prince le plus brillant de cette dynastie des Ghaznévides. Le Khorāsān passa sous sa domination. Ce Turc iranisé répondit mal aux sollicitations du poète de Ṭūs, qui lui dédiait son œuvre, pièce après pièce. Ses ressources n'y suffisant pas, Firdousi avait reçu l'aide de plusieurs personnages de sa contrée. Ces rétributions ne furent jamais à la dimension de l'œuvre, et Firdousi mourut dans la gêne après avoir fui la cour de Ghazna. La satire écrite contre Maḥmūd, qui semble authentique, est d'une grande amertume ; le poète s'est senti victime d'un détracteur à cause de sa foi shi‘ite, dont il ne fit d'ailleurs pas mystère. Son poème n'était pas propre non plus à aider la politique du prince. Niẓāmī ‘Arūżī visita sa tombe en 1116, ce qu'il est encore possible de faire aujourd'hui depuis Mashad, la ville voisine.
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Écrit par
- Charles-Henri de FOUCHÉCOUR : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Médias
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