FLANDRIN HIPPOLYTE (1809-1864) & PAUL (1811-1902)
Faut-il croire Henri Delaroche qui saluait Flandrin, en 1859, dans la Revue des Deux Mondes, comme « le plus grand peintre religieux que la France ait vu naître depuis Lesueur » ? Il est vrai en tout cas qu'Hippolyte Flandrin a, sous la bannière de l'ingrisme, incarné en France une renaissance de l'art religieux, comparable à celles dont nazaréens et préraphaélites furent les artisans en Allemagne et en Angleterre. Ce qu'on appellera le style Saint-Sulpice n'est que l'affadissement et la vulgarisation sentimentale de l'effort d'une pléiade de peintres, généralement lyonnais, qui ont voulu donner son illustration au réveil catholique du xixe siècle.
Flandrin est resté un Lyonnais, même s'il quitte très tôt sa ville pour Paris et l'atelier d'Ingres dont il fut le fidèle disciple. La réelle piété qui fut la sienne est caractéristique d'une certaine atmosphère lyonnaise, marquée par le mysticisme d'un Ballanche et qui explique en partie les tendances de peintres spiritualistes comme Orsel, Périn, Janmot ou Chenavard.
En 1832, il obtient le grand prix de Rome avec un Thésée reconnu par son père (École des beaux-arts) qui surprit par une élévation et une réserve inattendues dans un sujet plutôt mélodramatique, où le père sauve son fils en l'empêchant d'absorber les poisons préparés par Médée. Ses envois de Rome, le Dante et Virgile de 1835 (musée de Lyon), sujet pourtant fort romantique, et le Saint-Clair guérissant les aveugles de 1836 (cathédrale de Nantes), illustrent bien la gravité d'un artiste auquel on reproche de peindre « en gris », selon la mauvaise anagramme tirée du nom d'Ingres.
La commande de la Cène pour Saint-Séverin (1839-1841) ouvre la série des décorations murales qui forment l'essentiel de son œuvre dans les églises de Saint-Germain-des-Prés à Paris (sanctuaire de 1842 à 1846, puis nef de 1856 à 1861), Saint-Paul à Nîmes (1846-1848), Saint-Vincent-de-Paul à Paris (1844-1863) et Saint-Martin-d'Ainay à Lyon (1855). Ce qu'apporte Flandrin pour régénérer l'art religieux, c'est d'abord le souci d'une iconographie savante et la référence aux grands exemples byzantins et médiévaux. Aidé par le savant père Cahier, se souvenant de ses visites à Assise et à Padoue, il retrouve les fonds or, fait marcher des théories de saints et saintes, à l'image de celles de Ravenne, qui sont les panathénées du xixe siècle. Plus marqué par Giotto que par Fra Angelico, il garde dans le dessin une sévérité, un sens des masses, presque une raideur toute monumentale. Il y a là un choix conscient, qui apparaît par comparaison avec ses portraits où il peut faire preuve, comme dans la Jeune Grecque (1863, musée d'Orsay, Paris), d'une souplesse, d'une tendresse dignes d'Ingres.
La réputation d'Hippolyte a comme aspiré celle de son cadet, non sans injustice. Les deux frères s'entendaient parfaitement et Paul reconnaissait volontiers la supériorité de son aîné. Il entre en même temps que lui à l'École des beaux-arts de Lyon, le suit à Paris dans l'atelier d'Ingres, le rejoint à Rome (1833-1838), l'assiste dans tous ses travaux, comme un collaborateur à part entière. À la mort d'Hippolyte, c'est lui qui assure l'achèvement du décor de la nef de Saint-Germain-des-Prés.
Mais Paul n'est pas seulement l'alter ego d'Hippolyte et, comme paysagiste, il affirme une personnalité propre. Il maintient, tard dans le siècle, la tradition du paysage classique avec d'autres artistes, pour la plupart marqués par Ingres, tels Achille Bénouville (1815-1891), Édouard Bertin (1797-1871), Alexandre Desgoffe (1805-1882) dont il épouse la fille. Gustave Planche et Baudelaire ont moqué, à tort, cette persistance du paysage ennobli, aux évidentes qualités murales, qui culmine avec[...]
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Écrit par
- Bruno FOUCART : professeur à l'université de Paris-Sorbonne
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