FLAVIN DAN (1933-1996)
Un art de la lumière
Comme la plupart des artistes minimalistes, Flavin s'est souvent référé au constructivisme russe, notamment à Vladimir Tatline et son projet inabouti de Monument à la IIIe Internationale, dans ses Monuments réalisés entre 1964 (date de sa première exposition à la Kaymar Gallery, New York intitulée Some Light) et 1982. Il utilise les qualités intrinsèques des matériaux industriels en s’inspirant du principe de Tatline selon lequel « les formes les plus simples sont les plus esthétiques ». En effet, les tubes fluorescents blancs verticaux, horizontaux ou en diagonale, de taille décroissante, et placés sur un mur selon un principe de symétrie, obéissent à une sérialité rigoureuse et diversifiée. Nombre de titres d'œuvres – qui sont en réalité ses propres dédicaces à des artistes : Mondrian, Barnett Newman, Josef Albers, Matisse, Don Judd – indiquent encore l'indéfectible position de l'artiste quant au recours à la géométrie, à la pureté de la couleur, à des figures simples telles que la ligne, le carré (Untitled, in Honor of Harold Joachim 3, 1977), la grille (Untitled, to you, Heiner, with Admiration and Affection, 1973, National Gallery, Washington), et plus rarement le cercle.
Construction, structure, hiérarchie, dimensions anthropomorphes, systèmes modulaires à partir de formes spécifiques sont des enjeux que partagent d'autres artistes de l'art minimal, comme Carl Andre, Judd, LeWitt ou Morris. Mais, contrairement à ces derniers, chez Flavin les jeux de formes et formats propres à la lumière des néons, concrètement perceptible, comportent sinon une dimension illusionniste du moins une part d'immatérialité. Placés sur les murs, seuls, par deux ou par trois, en groupe, entrecroisés pour former une grille disposée devant l'entrée d'un couloir rendu ainsi inaccessible ou au coin d'un mur, ou encore juxtaposés en une suite continue, ces néons aux couleurs multiples, mélangées ou non, dégagent des lumières qui irradient et transforment l'espace et le contexte dans lesquels ils se trouvent, comme pour la collection du comte Panza di Biumo à Varèse (Italie) ou pour des espaces publics, tels que l'illumination des quais de la gare centrale de New York (1977) ou le musée d'art de Bâle (1972-1975). Flavin, qui qualifiait lui-même son art de « situationnel », conçoit ses œuvres en fonction des lieux exposés et illuminés. La lumière fluorescente restructure et sculpte les espaces, fait apparaître des contours et aplatit des volumes. En 1967, des expositions personnelles lui donnent l'occasion de concevoir des œuvres uniques adaptées aux sites d'exposition, dont l'aboutissement est présenté au musée d'art contemporain de Chicago, cette même année, sous l'intitulé Alternating Pink and Gold. À la fois enveloppé par cette lumière et pénétrant en elle, le spectateur ne peut plus séparer le visible engendré par la lumière du visible produit par la forme que constituent les néons. Dan Flavin modifie ainsi les rapports de l'œuvre au contexte architectural et, par extension, au spectateur, qui se trouve devant et dans l'œuvre, le rendant visible et voyant. L'espace et la perception du spectateur sont transformés par la puissance et le dynamisme de ses dispositifs, à la fois lumière et couleur. Ses lumières cherchent à atteindre « l'hyperprésence de l'immatériel », selon la formule de la conservatrice Suzanne Pagé.
Après avoir exposé ses œuvres à la Documenta de Kassel (1968) et à la National Gallery d'Ottawa (1969), Dan Flavin participe à plusieurs manifestations internationales. De nombreuses expositions lui ont été consacrées, notamment la rétrospective au musée d'Art moderne de la Ville de Paris en 2006. En 1993, l'artiste aménage une exposition permanente à l'occasion de l'inauguration du Dan Flavin[...]
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Écrit par
- Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
Classification
Autres références
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MINIMAL ET CONCEPTUEL ART
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