LIS FLEURS DE
Emblème héraldique de la France durant sept siècles, la fleur de lis, ainsi que d'autres plantes similaires comme l'iris, symbolise depuis l'Antiquité la divinité, la fécondité et la grâce. Le lis décorait le temple de Jérusalem et les objets du culte ; le Christ lui-même associa Salomon dans toute sa gloire au lis des champs (à vrai dire l'anémone pourpre). Pline l'Ancien en son Histoire naturelle que l'on pouvait trouver dans des bibliothèques carolingiennes, chante le lis : « nulle plante n'est plus féconde » ; nombreux sont les auteurs et les Pères de l'Église qui la déclarent « plante royale », « reine des fleurs », depuis Dioscoride ; dans l'Ancien Testament, le IVe livre d'Esdras montre de même que Dieu a choisi le lis comme la première des fleurs. Voulant se placer dans la tradition de la royauté biblique, les Carolingiens font cultiver le lis qui figure en tête des fleurs devant pousser dans les jardins royaux (capitulaire De villis, vers 800). Sédulius de Liège chante « le lis royal [qui] règne du haut des sceptres étincelants » (De rosae liliique certamine, vers 850). Le lis envahit les couronnes et somme les monuments publics sur les peintures du ixe siècle : les sceaux royaux des derniers Carolingiens et des premiers Capétiens montrent le fleuron royal. Signe de la fécondité de la Vierge, le lis se retrouve sur les monnaies des villes ayant Marie pour patronne dès avant 1000, mais il serait faux d'en faire un signe presque uniquement marial de même qu'il est impossible d'y voir celui du pouvoir en soi.
C'est au xiie siècle que le manteau cosmique des rois de France à l'imitation de la robe talaire du grand prêtre d'Israël et du manteau impérial des Ottons (bleu, semé d'astres et de constellations) subit une transformation sous l'influence des idées de saint Bernard : le Christ étant lis dans ses Sermons sur le Cantique des cantiques, les saints sont aussi des lis ; le ciel cosmique a été changé en ciel des élus, en ciel spirituel, et le manteau est devenu bleu semé de fleurs de lis d'or (couleur de la lumière et des insignes du pouvoir), composition assurée pour l'ordo de 1200 environ, reflet probable du sacre de Philippe II Auguste en 1179 : ce sont là les « connaissances » ou armes du roi qui doivent exister dès Louis VII (un indice pour 1147) et qui durent lui servir pour la deuxième croisade. Philippe II Auguste a une seule fleur de lis (le terme « flors de lis » apparaît avec Érec et Énide de Chrétien de Troyes, peu après 1160) sur son contre-sceau (dès 1180), sa bannière héraldique était d'azur, semée de fleurs de lis d'or (dès 1191, lors de la troisième croisade) et un de ses baillis porte l'écu fleurdelisé (1207). Le futur Louis VIII porte ces armes sur son sceau équestre (dès 1211) et on les voit pour la première fois en couleurs sur un vitrail de Chartres le représentant à cheval (vers 1220). Le Gallois Giraud de Barri chantant la gloire du roi de France oppose les bêtes féroces des armes des princes d'Europe aux armes semées de petits iris dont la seule odeur les fait fuir (vers 1216). Guillaume de Nangis, en sa Vie de Saint Louis, analyse la fleur à trois grands pétales visibles représentant foi, science et chevalerie, caractéristiques de la France (vers 1300). À partir de cette date sont écrits divers textes contant de façon fantaisiste la provenance céleste des « armes de France » (terme qu'emploie Joinville dans sa Vie de Saint Louis). La petitesse de certaines surfaces à remplir entraîna rapidement la réduction des fleurs de lis à trois (contre-sceau de la ville de Lens, 1228) ; des auteurs déclarèrent sous Charles V que c'était en l'honneur de la sainte Trinité (dès 1372 avec Jean Golein), ce que le roi admit officiellement dans une charte (1377), mais[...]
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Écrit par
- Hervé PINOTEAU : vice-président de l'Académie internationale d'héraldique
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