FLEUVE CONGO. ARTS D'AFRIQUE CENTRALE (exposition)
Au sommet des marches conduisant à l'exposition Fleuve Congo. Arts d'Afrique centrale au musée du quai Branly à Paris (22 juin - 3 octobre 2010), le visiteur est accueilli par de grandes cartes. L'une, à dominante verte, figure la vaste aire géographique formée par les bassins des fleuves Ogooué et Congo. Sa couleur évoque la nature du couvert végétal présent dans cette zone de l'Afrique centrale : forêt tropicale humide de part et d'autre de l'équateur, savanes boisées au sud. Quelques chiffres sont nécessaires pour se faire une idée des échelles de grandeur avec lesquelles les hommes de ces contrées ont dû composer : le fleuve Ogooué qui traverse tout le Gabon, dont il divise le territoire en deux, s'étire sur 900 kilomètres. Les 4 700 kilomètres de longueur du Congo, parfois large de 30 kilomètres, en font un des fleuves les plus grands d'Afrique après le Nil. Il irrigue aujourd'hui plusieurs États comme la république du Congo et la République démocratique du Congo (R.D.C.). Une autre carte présente des données linguistiques qui nous éclairent sur l'histoire du peuplement : cette partie du continent est essentiellement habitée par des locuteurs parlant des langues apparentées découlant du même grand groupe linguistique bantou. Selon les spécialistes, ces langues se sont diffusées vers le sud à partir du Nigeria et du Cameroun suivant deux mouvements, à l'ouest le long de la côte Atlantique, à l'est en longeant les Grands Lacs jusqu'à rejoindre le sud de l'Afrique. L'expansion bantoue se serait achevée vers l'an 1000 de notre ère. Ces peuples d'agriculteurs cultivent la banane plantain, diverses racines alimentaires, des céréales et élèvent du petit bétail.
Aux deux grandes zones écologiques de l'Afrique centrale, forêts et savanes, correspondent deux types d'organisation sociale et politique. Les sociétés de type patrilinéaire de la forêt – Fang, Punu et Kwélé au Gabon, Lega, Songyé, Bembé, Hemba ou Tabwa en R.D.C. – sont structurées en clans se réclamant d'un ancêtre commun, et leur cohésion est assurée par des associations politico-religieuses formées d'initiés. Ces sociétés placent le culte des ancêtres – fondateurs de dynasties royales ou de clans, doyens de village ou de lignage, grands guerriers, femmes remarquables... – au fondement de l'ordre social et de sa reproduction ; leurs reliques sont conservées dans des paniers surmontés de figures à forme humaine (Kota, Mahongwé, Fang), dans des statues de bois comportant une cavité ou même dans des mannequins de tissu (Bembé). Ces sociétés révèrent des esprits de la forêt qu'elles représentent par des masques. Quant aux sociétés des savanes méridionales, plutôt matrilinéaires, elles ont donné naissance à un nombre important de royaumes – mbundu et kongo à l'ouest, luba et lunda à l'est, yaka, suku et kuba au Kasaï – dont l'aristocratie pratiquait le commerce à longue distance et possédait une nombreuse main-d'œuvre agricole composée d'esclaves.
Les pièces exposées, toutes de très grande qualité, proviennent pour la plupart des musées du quai Branly et de Tervuren (Belgique), ainsi que de collections particulières. Elles témoignent de l'étonnante inventivité plastique dont ont fait preuve les sculpteurs d'Afrique centrale, et de l'extrême maîtrise de leurs outils. La finesse des formes et des décors de la statuaire fang, hemba, kongo ou luba évoque celle, à la minutie toute comparable, des œuvres baoulé ou dan de Côte-d'Ivoire. Autant de propriétés esthétiques qui, à l'aube du xxe siècle, n'échappèrent ni aux marchands, ni aux artistes, ni aux poètes. Un long panneau chronologique retrace l'histoire de la découverte de ces arts par les Européens durant la seconde[...]
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Écrit par
- Michèle COQUET : anthropologue, chercheur au C.N.R.S.
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