VANCINI FLORESTANO (1926-2008)
Les débuts de Florestano Vancini s'inscrivent dans le grand mouvement de renouveau qui traverse le cinéma italien au début des années 1960. Après avoir participé au développement du documentaire italien (plus d'une trentaine de films de 1949 à 1959), il entame sa carrière dans le long-métrage avec un cinéma de témoignage directement issu du néo-réalisme. Enraciné dans sa terre – Ferrare, sa ville natale, et l'Émilie-Romagne – dont il a représenté les facettes dans son œuvre de documentariste, le jeune metteur en scène adapte une « histoire ferrarraise » de Giorgio Bassani, La lunga notte del '43. Le film, salué par la critique, est tout de suite remarqué à Venise et reçoit le prix « opera prima » de l'édition 1960 de la Mostra. En 1962, La banda Casaroli confirme l'aptitude de Vancini à mettre en scène des histoires aux fortes connotations sociales et à la précise insertion visuelle – Ferrare dans le premier film, Bologne dans le second. En 1963, s'inspirant d'un roman de Quarantotti Gambini, Vancini décrit dans La calda vita les émois amoureux de l'adolescence. Avec Le stagioni del nostro amore (1966), il signe un de ses meilleurs films : il y évoque le désenchantement d'un ancien militant politique confronté à la fin des idéaux et à l'échec des sentiments. Bronte : cronaca di un massacro che i libri di storia non hanno raccontato (1972) propose une relecture de l'épopée garibaldienne en Sicile. Jacques Nobécourt, correspondant du Monde à Rome, n'hésite pas à évoquer Camus : « La question que l'écrivain posait en 1954, Vancini, avec d'autres instruments, la soulève pour d'autres jeunes. Son avocat, Lombardo, s'inscrit dans la ligne des héros tragiques tels que les a connus la culture méditerranéenne, de la jeune Antigone jusqu'aux personnages de La Peste. » Bronte met clairement en évidence la place qu'occupe l'histoire contemporaine dans l'œuvre de Vancini. Ainsi, après la représentation d'un épisode tragique du Risorgimento, le cinéaste aborde avec Il delitto Matteoti (1973) les circonstances de l'assassinat de Matteoti et décrit l'installation définitive de la dictature fasciste.
Dans d'autres registres, Vancini maintient une tension souterraine, par exemple dans Un drama borghese (1979), subtile analyse des rapports père-fille adaptée d'un roman de Guido Morselli, ou dans La baraonda (1980), film dans lequel il utilise sa virtuosité d'ancien documentariste pour saisir l'atmosphère électrique des six jours cyclistes de Milan et proposer, sous l'apparente légèreté du récit, une réflexion subtile sur la fragilité des sentiments et l'immaturité de l'homme face à des choix existentiels non assumés.
En 1984, avec La neve nel bicchiere, film initialement tourné pour la télévision mais qui trouva au cinéma son véritable public, Vancini opère, dans le cadre de la campagne émilienne, son retour aux origines : « Représenter l'histoire des miens – commente le réalisateur –, revisiter mes racines a toujours été mon rêve. [...] Les paysans chez nous ne se résignent pas, ils ne se laissent pas abrutir. Ils regardent devant eux, tendus par la volonté d'améliorer les choses et de découvrir la solidarité. Les campagnes émilienne et romagnole ont vu naître les ligues paysannes et ont renforcé le socialisme. »
Modeste et parfois effacé dans un cinéma italien davantage peuplé de cinéastes affirmant leur présence de façon péremptoire, Vancini est un homme secret. S'il a beaucoup cultivé les rapports avec la littérature, il est aussi l'auteur de nombreux sujets originaux faisant appel à des collaborateurs illustres, tels Leonardo Sciascia ou Fabio Carpi. Marqué par une pudeur secrète, il a souvent bridé ses élans personnels, préférant s'effacer derrière ses œuvres.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean A. GILI : professeur émérite, université professeur émérite, université Paris I-Panthéon Sorbonne
Classification