FLUIDE, physique
Les trois états physiques de la matière tels qu'on les enseigne à l'école primaire sont le solide, le liquide et le gaz. L'état fluide rassemble les deux derniers termes, en soulignant leur parenté. Encore faut-il savoir que l'on parle du nom plutôt que de l'adjectif : une huile très visqueuse est un fluide bien peu fluide ! De fait, c'est la capacité à s'écouler, qui ne veut pas dire absence de viscosité, qui caractérise cet état, dont la frontière avec l'état solide est difficile à établir : vingt-cinq siècles après Héraclite, on peut dire « tout s'écoule » (panta rhei). La rhéologie est la science des écoulements de la matière, qui vont des mouvements très lents du manteau terrestre aux écoulements turbulents de l'air atmosphérique !
En regardant s'écouler du sable entre les doigts ou se soulever une poussière, on peut comprendre de façon simplifiée, comme les philosophes grecs classiques, l'origine microscopique de la fluidité. Dans un solide usuel, les atomes (ou molécules) sont fortement soudés par des liaisons chimiques. Dans un fluide, les molécules en contact entre elles qui composent un liquide, ou celles beaucoup plus distantes d'un gaz, peuvent se déplacer les unes par rapport aux autres. Il existe de plus une agitation permanente, liée à la température, qui facilite ce mouvement relatif des molécules et transmet les mouvements.
Viscosité
Au plan macroscopique, la première manifestation d'un liquide est la viscosité dont on fait spontanément l'expérience quand, pour tester les caractéristiques d'une huile, on en place une goutte entre deux doigts qu'on déplace parallèlement l'un par rapport à l'autre. Dans cette opération, dite de cisaillement, on évalue la force de résistance au mouvement. Elle est proportionnelle aux aires des surfaces en regard et inversement proportionnelle à la distance entre ces surfaces. Le coefficient de proportionnalité entre la force et la vitesse relative des deux doigts (ou plaques) en regard est la viscosité. En termes plus savants, on dit que la contrainte de cisaillement (la force par unité de surface) varie linéairement avec le gradient de vitesse (la variation de vitesse par unité de distance). Isaac Newton a le premier exprimé cette loi, mais il a fallu attendre le milieu du xixe siècle et les expériences du physiologiste français Jean-Louis Marie Poiseuille, qui s'intéressait aux écoulements du sang dans les vaisseaux, pour qu'une étude quantitative en soit menée. La raison de ce décalage dans le temps est que, lorsque la vitesse est assez élevée, les forces de frottement fluide qui, dans un tube, se traduisent par la perte de charge (chute de pression par unité de longueur) sont principalement dues à la turbulence : la viscosité n'intervient qu'indirectement. Le nombre de Reynolds, du nom du physicien britannique qui a étudié en premier cette apparition de turbulence dans un tube cylindrique, permet de caractériser le seuil d'apparition de la turbulence.
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Écrit par
- Étienne GUYON : directeur honoraire de l'École normale supérieure, Paris
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