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FOCALISATION, littérature

Gérard Genette - crédits : Ulf Andersen/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Gérard Genette

Le terme « focalisation » constitue un des concepts centraux de la « technologie du discours narratif », autrement dit de la narratologie, élaborée dans les années 1970 par des théoriciens de la littérature, notamment Roland Barthes, Tsvetan Todorov et Gérard Genette (Figures III, 1972, constitue une sorte de traité de la focalisation). Il se substitue aux expressions « point de vue », « vision », « aspect » ou « champ », et reprend ainsi à son compte ce que la critique anglo-saxonne appelle « focus of narration » (Brooks et Warren). Il sert à rendre compte d'un des « modes » du récit (G. Genette), c'est-à-dire de la façon dont est réglée l'information donnée au lecteur dans le roman ou, plus précisément, à répondre à la question « qui voit ? ». Les événements rapportés dans un récit peuvent en effet soit être analysés de l'intérieur, soit observés de l'extérieur. Une telle interrogation sur « qui voit » (et non sur « qui parle ? », question qui détermine la construction narrative du récit) conduit Gérard Genette à distinguer trois types de récits, qui ne correspondent que rarement à des œuvres entières, mais permettent de penser leur composition en identifiant leurs différents segments.

Le premier type de récit est un récit non focalisé, ou à focalisation zéro. Il renvoie à la situation d'un narrateur omniscient, ce que T. Todorov représente par la formule Narrateur > Personnage, puisque l'omniscience du narrateur se marque par sa position de supériorité sur les personnages du récit en matière d'information. C'est le cas, par exemple, de la plupart des romans de Balzac ou de Zola.

Le deuxième type concerne les récits à focalisation interne, qui renvoient à la situation d'un narrateur qui ne dit que ce que sait un personnage (Narrateur = Personnage). Sa forme idéale se trouve alors dans les monologues intérieurs, comme dans La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet, chez James Joyce ou Nathalie Sarraute ; mais, au-delà de ces cas particuliers, tout « mode personnel » (R. Barthes) du récit – c'est-à-dire la possibilité de passer de la troisième personne à la première sans autrement modifier le récit –, participe de ce type. Trois cas encore peuvent alors être distingués :

– celui pour lequel cette focalisation est fixe, comme dans Ce que savait Maisie (1897) de Henry James, qui restreint constamment l'information du lecteur à ce que connaît la jeune Maisie et exploite la discordance entre ce point de vue et le sujet qui s'y déploie, ou dans L'Étranger (1942) d'Albert Camus ;

– celui pour lequel la focalisation est variable et passe d'un personnage à un autre au fil des événements du récit, comme souvent chez Stendhal, comme aussi chez Faulkner, ce qui permet la mise en valeur de certains événements, et des effets de suspens par l'évitement de certains autres ;

– celui enfin pour lequel la focalisation est multiple, lorsqu'un même événement est donné à connaître au lecteur par plusieurs points de vue différents, comme dans le roman épistolaire : Les Liaisons dangereuses (1782) en jouent constamment, où la lutte pour le pouvoir que se livrent Madame de Merteuil et Valmont passe par la nécessité pour eux d'imposer aux autres leur propre version du cours des événements.

Le troisième type consiste dans le récit à focalisation externe : cette fois, le narrateur en dit moins que n'en sait le personnage (Narrateur < Personnage). Il s'agit du récit objectif, behaviouriste, non psychologisant. C'est la focalisation exploitée dans le récit énigmatique qui ne s'attache qu'aux gestes, aux comportements des personnages, sans postuler chez eux d'intériorité, sans en tout cas pouvoir y accéder, comme chez Hemingway. Mais c'est aussi souvent le cas dans les romans[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres modernes, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Média

Gérard Genette - crédits : Ulf Andersen/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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    • 3 médias
    ...actes et de leurs paroles qu'il peut imaginer leurs pensées et leurs sentiments (L'Étranger de Camus est à rapprocher de ce type de récit que Genette appellerait « à focalisation interne fixe »). Mais, si dans le cadre d'un même récit, les événements sont vus tantôt par un personnage tantôt...