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FOI

« Fides » et « foedus » dans l'Antiquité romaine

Quelles étaient les valeurs de la fides chez le peuple romain avant l'apparition du christianisme ? Nous adopterons comme fil directeur de notre analyse l'hypothèse formulée jadis par M. Voigt (« Die Begriffe von Fides », in Jus naturale, IV, Leipzig, 1875) et complétée depuis par G. Dumézil et G. Freyburger. L'idée essentielle, que nous avons déjà mentionnée, est la suivante : le terme fides est un terme de relation ; il détermine entre les hommes une relation qui oriente la confiance soit dans une direction active (la confiance que je fais ou que j'accorde), soit dans une direction passive (la confiance que j'obtiens ou que je mérite), les deux directions pouvant d'ailleurs être suggérées à des degrés divers dans une même phrase.

Au sens actif, habere fidem, par exemple, signifie « avoir foi en quelqu'un, avoir confiance en quelqu'un ». Il ne faut pas confondre cette expression avec celle que nos habitudes actuelles de penser nous invitent à formuler en profitant des facilités que donne l'article en français : « avoir la foi ». Cette dernière formule a un sens attributif plutôt que relationnel (on attribue à quelqu'un une conviction). Nous ne sommes que trop portés aujourd'hui à imaginer « la » foi comme quelque chose que l'on a ou que l'on n'a pas ; il vaut mieux laisser de côté provisoirement ce sens attributif jusqu'à ce que nous soyons en mesure de l'expliquer. Les valeurs relationnelles sont plus fondamentales, même lorsqu'on privilégie le sens actif en direction d'autrui (« je vous crois, je vous fais confiance »).

Il faut regarder dans l'autre direction (le sens passif) pour comprendre comment la fides a pu devenir une vertu morale, « celle que les Romains ont le mieux et le plus cultivée », comme dit Aulu-Gelle (Nuits attiques, XX, i, 19). La fides est comprise comme une vertu morale sur la base d'une norme sociale, d'une règle des mœurs suivant laquelle la confiance obtenue, le crédit moral (sens passif) dont je suis digne dépend de ma loyauté, cette loyauté étant elle-même une valeur complexe qui inclut : la sincérité ou bonne foi ; le respect des lois (fides legum) ; le sens de la dignité (qu'en termes modernes nous appellerions un code de l'honneur).

La fides est donc avant tout la vertu de la fiabilité morale et civique ; elle conditionne la solidarité sociale dans le respect du droit (jus). C'est pourquoi Cicéron, traitant des vertus cardinales (prudence, justice, courage, tempérance), range la fides dans la catégorie de la justice : « Le fondement de la justice est la foi, c'est-à-dire la fidélité (constantia) et la véracité (veritas) dans les paroles et les conventions » (De officiis, I, 23). La foi est l'honnêteté qui mérite crédit : « Rien en effet ne maintient avec plus de force l'État que la foi [= crédit] qui ne peut exister sans la nécessité de payer ses dettes » (ibid., II, 24). L'historien grec Polybe estime que la supériorité des Romains sur les autres peuples vient de ce qu'ils ont su édifier sur la religion populaire une morale rationnelle : « En conséquence et sans parler du reste, quand un Grec manie des fonds publics, on a beau ne lui confier qu'un talent, et il peut bien avoir dix contreseings avec autant de cachets et le double de témoins, il est incapable de respecter son engagement ; les Romains, au contraire, qui manient de grosses sommes d'argent comme magistrats et comme légats, respectent leur devoir, du simple fait qu'ils sont engagés par serment. Alors qu'il est rare de trouver ailleurs un homme qui ne touche pas aux fonds d'État et garde les mains propres à cet égard, il est rare au contraire de rencontrer à Rome quelqu'un qu'on ait convaincu d'une pareille action » (Polybe, [...]

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