FOI
La source de la foi chrétienne
Le christianisme, à la différence de l'islam, s'est formé lentement. Jésus n'a pas fondé d'Église, il fallait attendre la venue de l'Esprit sur les Apôtres, ainsi que le rappelle la liturgie de la Pentecôte. Au cours du ier siècle se sont affrontées, puis mêlées, des tendances judaïsantes et hellénisantes. Le résultat de cette évolution complexe a été en quelque sorte résumé dans l'idée de « la tradition apostolique », idée qui a présidé à la rédaction des Évangiles (après la ruine de Jérusalem), puis à la réunion des écrits du Nouveau Testament (au cours du iie siècle). L'esprit chrétien doit son originalité à la complexité de ses origines, et il n'aurait pu conserver son unité sans une forte institution. La légende des douze Apôtres (comme les douze tribus d'Israël) symbolise le principe sur lequel repose la doctrine de l'Église, à savoir que la plénitude de la révélation a été transmise par les Apôtres. « Le Seigneur, écrit saint Irénée, a donné à ses Apôtres toute la puissance de l'Évangile. C'est par eux que nous connaissons la vérité qui est la doctrine du Fils de Dieu » (Adversus Haereses, iii, 1, I). Puis : « La tradition vient des Apôtres et est conservée par la succession du ministère » (ibid., iii, 3, I). Catholiques et protestants se distinguent par la manière de concevoir « la succession du ministère », mais nul ne met en question le principe de la tradition apostolique. Prétendre qu'avec les Apôtres la révélation n'est pas complète est une proposition condamnée par l'Église romaine (Denzinger, 2020). Le décret du concile de Trente, en date du 8 avril 1546, est sur ce point plus proche des thèses de la Réforme que ne l'est le IIe concile du Vatican. La IVe session du concile de Trente ne fait aucune référence aux traditions « ecclésiastiques » ; elle ne parle que des traditions « apostoliques » en rapport avec la succession du ministère exprimée par le rite d'imposition des mains « quasi per manus traditae » (Denzinger, 783). Seul est affirmé le double mode de transmission, scripturaire et pastoral, de l'Évangile « source de toute vérité salutaire et de toute discipline des mœurs ». Ce qui a été rejeté, en revanche, c'est le projet initial de décret qui parlait d'une révélation transmise en deux parties, écrites et non écrites ; les mots « partim... partim... » ont été éliminés de la rédaction définitive, le concile n'ayant pas voulu prendre position sur la question de savoir si les traditions non écrites (c'est-à-dire rituelles) avaient, à l'égard de l' Écriture, une valeur « complétive » ou seulement « interprétative ». Les écrivains de la Contre-Réforme ont interprété faussement ce décret en lui faisant dire qu'il y avait deux sources de la révélation, les Écritures et les Traditions. En fait, le compte rendu des débats conciliaires montre qu'on n'a pas envisagé autre chose que des traditions rituelles. Le décret ne reconnaît qu'une source (Fontem, au singulier), à savoir l'Évangile, dont la transmission est assurée conjointement par les Écritures et les traditions rituelles transmises « de la main à la main » (cf. E. Ortigues, « Écritures et traditions apostoliques au concile de Trente » ; Religions du livre et religions de la coutume). Entre le décret du 8 avril 1546 et les thèses de la Réforme, la différence porte uniquement sur la manière de concevoir « la succession apostolique ». Ce qui rend la situation paradoxale, c'est que, dans les deux confessions, la Règle de foi demeure l'interprétation de l'Écriture dans l'Église universelle.
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Écrit par
- Edmond ORTIGUES : professeur émérite à l'université de Rennes
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