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FOI

Croyance et confiance

Au terme de notre étude rétrospective sur l'histoire du vocabulaire, nous pouvons procéder à une analyse des concepts. Nous avons constaté que « foi » et «  croyance religieuse » ne sont pas synonymes. Il convient de revenir sur ce point. L'ambiguïté vient de ce que le verbe « croire » peut s'employer dans deux sens différents. Soit dans un sens déclaratif : « Je crois que..., je tiens pour vraie une certaine déclaration. » Soit dans un sens performatif : « Je vous crois, je crois en vous, je crois en Dieu. » Dans ce cas, la parole vaut acte ; elle nous engage dans un lien de confiance à l'égard d'une autre personne. On a là deux idées qui s'emmêlent souvent dans la psychologie courante mais qui sont logiquement distinctes : l'idée de croyance et l'idée de confiance. La croyance peut prendre des formes différentes (opinion, persuasion, idéologie, conviction, etc.). Elle a néanmoins deux caractéristiques générales. D'une part, elle comporte (d'une manière plus ou moins explicite) un jugement : croire, c'est tenir pour vraie une proposition. En cela, on peut se tromper : une croyance peut être vraie ou fausse. D'autre part, la croyance est un guide du comportement. Elle ne se traduit pas seulement dans ce que je dis, mais dans ce que je fais. Dans mon attitude s'opposent affirmation ou négation, acceptation ou refus. Une croyance est donc soumise à deux sortes de conditions : des conditions de vérité (l'opposition du vrai et du faux ne dépend pas de nous, mais de ce qui existe indépendamment de nous) ; des conditions d'acceptabilité (l'opposition du « oui » et du « non » dépend de nous).

La confiance, en revanche, est une relation. On a vu que cette relation peut s'orienter dans deux sens complémentaires, actif ou passif (avoir confiance, être fiable). Alors que la croyance est une affaire individuelle, un jugement personnel, la foi implique une reconnaissance réciproque entre les personnes, entre celui qui donne sa parole (ou inspire confiance) et celui qui la reçoit (ou fait confiance). On notera que le sens actif du mot « confiance » est du côté de celui qui « reçoit ». C'est par l'histoire des formes de reconnaissance entre les personnes que la foi se distingue de la croyance. À Rome comme dans la Bible hébraïque, on l'a dit, ce sont les normes de fiabilité, de loyauté, de fidélité qui apparaissent au premier plan. Un prophète est reconnu digne de foi en vertu non point de ses qualités individuelles seulement, mais de la mission qui lui a été confiée par Dieu ; cette mission est attestée par des signes surnaturels de la même manière qu'un mandataire doit présenter ses lettres de créance. Un Romain veut être reconnu en vertu de son statut d'homme libre et de citoyen, alors qu'un Grec veut être reconnu pour lui-même, ce qui ne lui réussit pas toujours. L'adhésion du chrétien à la Parole de Dieu a besoin d'être reconnue dans la communion de l'Église par le moyen des rites du baptême et de l'eucharistie. Il apparaît donc bien dans tous les cas que ce sont les formes sociales de la reconnaissance entre les hommes qui permettent d'analyser le genre de relation confiante exprimé par le mot « foi ».

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