Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FONCTIONNALISME, architecture

On pourrait définir le fonctionnalisme comme une réponse plus ou moins appropriée aux besoins spécifiques d'une époque ou d'une société donnée. Dans le domaine de l'art, en particulier, un objet est perçu comme un objet d'art, selon Panofsky, quand la forme l'emporte sur la fonction, c'est-à-dire quand la perception s'attache plus à l'analyse de ses composantes stylistiques qu'à celle de ses fins utilitaires. Or cette dichotomie entre l'art et la fonction, qu'une certaine esthétique occidentale a introduite, se révèle tout à fait arbitraire, si l'on considère que la structure de toute œuvre (au sens large du mot) obéit à un plan préconçu en fonction de son utilisation. Les sociétés africaines, qui ignorent la discrimination occidentale entre l'art et la fonction, conçoivent leurs objets et leur architecture en relation avec les besoins sociaux : structure familiale, structure hiérarchique, climat, mode d'habitation (sédentarisme, nomadisme), le tout s'insérant dans un système symbolique (religieux) commun. Les poids en laiton ashanti sont à la fois un instrument servant à la pesée et un répertoire encyclopédique de tout le savoir ashanti.

Galerie des Glaces au château de Versailles - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Galerie des Glaces au château de Versailles

En Occident, la notion de fonctionnalisme connaît son plus exact emploi dans l'architecture romane, où elle se définit comme l'adéquation de la forme à la fonction, soit l'aménagement de l'espace en fonction d'une règle religieuse et des mouvements qu'elle implique (déambulatoire des églises de pèlerinage, galeries où pouvaient dormir les pèlerins, parvis, lieu de rassemblement et de spectacle). Au contraire, l'architecture médiévale seigneuriale n'est fonctionnelle que dans sa conception militaire. Le château fort est avant tout une forteresse défensive, et c'est à cet impératif exclusif qu'obéit son agencement (situation géographique élevée, enceintes successives, quasi-absence de fenêtres). Mais, au niveau des besoins humains de la vie quotidienne, elle constitue presque un contresens : obscurité et froideur des grandes salles, absence de salles privées, inconfort mobilier. Très vite, aux xiiie et xive siècles, on opposera le confort de la maison bourgeoise à la rudesse de la vie privée du donjon. Pour la première fois, les notions de confort et de fonction dans l'architecture se trouvent liées et caractériseront toute l'architecture domestique de la Renaissance. L'architecture palatiale classique, en Europe, témoigne au contraire d'un illogisme au niveau de l'agencement architectural dont Versailles est le plus bel exemple. Le fonctionnalisme, au sens d'adaptation de la forme aux besoins humains, n'existe ni à Versailles, ni à Schönbrunn, ni à la Granja, et le fonctionnalisme qui semble avoir présidé à l'élaboration de ces édifices est plutôt d'ordre idéologique : fonction d'apparat qui se veut le témoin et le garant d'un pouvoir politique fortement centralisé. Versailles est adapté aux besoins artificiels d'une vie de cour qui n'existe que pour paraître et dont le meilleur symbole est la galerie des Glaces. Au xviiie siècle, on assiste à une prise de conscience de l'importance de la vie privée, du plaisir de vivre dans un décor adapté à des goûts personnels, et du besoin d'intimité. Les pièces deviennent plus petites, les salons particuliers, les boudoirs sont désormais les éléments indispensables de toute habitation de luxe (hôtel de Rohan-Soubise, petits appartements de Marie-Antoinette à Versailles, hôtels de La Vrillère, de Matignon, de Salm).

Bauhaus - crédits : General Photographic Agency/ Getty Images

Bauhaus

Mais cette architecture, fonctionnelle dans la mesure où elle prend en considération les exigences de la vie quotidienne, est le seul fait des privilégiés, les classes populaires vivant alors dans des taudis ou des immeubles insalubres. C'est[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

Galerie des Glaces au château de Versailles - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Galerie des Glaces au château de Versailles

Bauhaus - crédits : General Photographic Agency/ Getty Images

Bauhaus

Autres références

  • AALTO ALVAR (1898-1976)

    • Écrit par
    • 2 590 mots
    • 2 médias

    Le Finlandais Alvar Aalto, comme le Suédois Gunnar Asplund, figure parmi les rares architectes scandinaves qui ont acquis une notoriété internationale avant la Seconde Guerre mondiale. Il est admis, généralement, de classer son œuvre dans la mouvance du style international né dans le courant des...

  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Acier

    • Écrit par
    • 3 257 mots
    • 9 médias
    On touche précisément ici à une conséquence architecturale fondamentale de l'acier. Ne répondant qu'à la fonction de résistance à la traction, l'acier se présente par excellence comme le matériau du fonctionnalisme. Il entraîne la spécificité d'utilisation des éléments de construction, dont chacun...
  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Béton

    • Écrit par
    • 3 200 mots
    • 4 médias
    ...Le Corbusier, comme la plupart des architectes d'avant-garde de cette époque, fonde sur le béton armé et l'ossature beaucoup plus qu'une technique de construction : une libération qui va permettre aux fonctions de dicter le plan de la maison. La technique de l'ossature est la base du fonctionnalisme.
  • ASPLUND ERIK GUNNAR (1885-1940)

    • Écrit par
    • 645 mots

    L'œuvre d'Asplund, dans la première moitié du xxe siècle, est exemplaire d'une architecture qui défend sans préjugés les nouveaux modes de communication propres à la civilisation technologique naissante. Son œuvre s'articule en plusieurs phases : il commence sa carrière dans le style...

  • Afficher les 26 références