FONCTIONS ANALYTIQUES Fonctions de plusieurs variables complexes
Prolongement analytique
Soit Ω un ouvert de Cn ; nous supposerons cet ouvert connexe, ce qui implique ici que deux points quelconques de Ω peuvent être joints par une ligne polygonale entièrement située dans Ω. Si deux fonctions f et g holomorphes dans Ω sont égales dans un polydisque contenu dans Ω, alors elles sont égales dans tout Ω. Utilisant ce principe dit « du prolongement analytique », Weierstrass, dans le cas d'une variable complexe, a construit la surface de Riemann d'une fonction (cf. fonctions analytiques – Fonctions analytiques d'une variable complexe, chap. 7). Cela subsiste à un nombre quelconque de variables, mais des phénomènes nouveaux apparaissent.
Expliquons sur un exemple pourquoi la situation change quand on passe d'une variable à plusieurs variables. Soit tout d'abord Ω un ouvert du plan complexe. Si z0 est un point du complémentaire de Ω, la fonction z ↦ 1/(z − z0), dont la restriction à Ω est holomorphe dans Ω, ne se prolonge pas analytiquement en z0 ; donc, le domaine de prolongements analytiques commun à toutes les fonctions holomorphes dans Ω est cet ouvert lui-même. On peut même montrer qu'il existe des fonctions f holomorphes dans Ω qui ne se prolongent analytiquement en aucun point de la frontière de Ω ; cela signifie que, quel que soit le point t 0 appartenant à la frontière de Ω, et le voisinage ouvert V de t 0, il n'existe pas de fonction g holomorphe dans V qui soit égale à f dans V ∩ Ω. Considérons maintenant au contraire dans l'espace C2 l'ouvert Ω ainsi défini : choisissons deux nombres strictement positifs distincts A et B ; un point z appartiendra à Ω si |z1| < A et |z2| < B, ou bien si |z1| < B et |z2| < A. Utilisant une majoration des coefficients de Taylor à l'origine, on vérifie aisément que la série de Taylor de toute fonction f holomorphe dans Ω converge en fait dans l'ouvert défini par :
ainsi, toute fonction holomorphe dans Ω se prolonge analytiquement en des points qui n'appartiennent pas à Ω.Introduisons maintenant un outil particulièrement adapté à l'étude de ce nouveau phénomène. Soit D le disque unité fermé du plan complexe ; donnons-nous une application continue de D × [0,1] dans Cn qui, pour chaque valeur de t fixée, soit une fonction homolorphe de z. On appelle disque analytique de paramètre t l'image Δt de l'ensemble D par la fonction z ↦ f (z, t ), t fixé ; la famille (Δt) est appelée une famille continue de disques analytiques. Si ∂D désigne la circonférence frontière de D, on appelle bord du disque analytique Δt, noté ∂Δt, l'image de ∂D par la fonction z ↦ f (z, t ). Le principe de continuité affirme alors que, si f est une fonction holomorphe dans un ouvert contenant Δ0 et tous les ∂Δt pour 0 ≤ t ≤ 1, alors f se prolonge en une fonction holomorphe dans un voisinage de la réunion des Δt. Cela conduit à introduire la notion suivante : on dit qu'un ouvert Ω de l'espace Cn satisfait à la propriété de continuité si, pour toute famille continue de disques analytiques de Cn telle que le disque initial soit dans Ω ainsi que le bord de chacun des disques analytiques de la famille, alors chacun des disques de la famille est dans D.
Si un ouvert de l'espace Cn est tel que, pour tout point de sa frontière, il existe une fonction holomorphe dans l'ouvert qui ne se prolonge pas analytiquement en ce point, on dit que c'est un ouvert d'holomorphie ; d'après le principe de continuité, il satisfait alors nécessairement à la propriété de continuité. Dans le cas de deux variables complexes, on doit la réciproque de ce résultat au mathématicien japonais Oka (1942) ; pour les ouverts de l'espace Cn, n ≥ 2, cette réciproque a été obtenue en 1953 par Norguet et Bremerman.[...]
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Écrit par
- André MARTINEAU : professeur à la faculté des sciences de Nice
- Henri SKODA : professeur à l'université de Paris-VI, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études
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