FONCTIONS ANALYTIQUES Vue d'ensemble
Depuis l'Antiquité, on connaît en substance la série géométrique suivante :
Une des grandes découvertes qui jalonnèrent la formation du calcul infinitésimal au milieu du xviie siècle fut la possibilité de représenter les fonctions « usuelles » (logarithme, exponentielle, fonctions trigonométriques, etc.) par des développements en série analogues. Au xviiie siècle, la plupart des mathématiciens en étaient arrivés à ne plus guère considérer comme dignes d'intérêt que les fonctions dites « analytiques », égales à la somme d'une série convergente du type :
au voisinage de chacun des points x0 de leur domaine d'existence.La plupart des fonctions considérées au xviiie siècle étaient implicitement supposées analytiques, et J. L. Lagrange, dans sa Théorie des fonctions analytiques (1797), tente de fonder une théorie formelle de la dérivation, indépendante de la notion d'infiniment petit ou de limite, sur le concept de développement en série entière.
Si, depuis le début du xixe siècle, il a fallu abandonner ce point de vue trop exclusif, et donner droit de cité à des fonctions bien moins « régulières » que les fonctions analytiques, le rôle de ces dernières reste fondamental dans toutes les parties des mathématiques. En fait, le concept d'analyticité s'est même élargi depuis le début du xxe siècle ; la définition d'une série entière :
et le calcul sur ces séries gardent en effet un sens lorsque les coefficients cn et la variable x ne sont plus nécessairement des nombres réels ou complexes, mais plus généralement appartiennent à un corps valué complet, par exemple le corps des nombres p-adiques (cf. théorie des nombres – Nombres p-adiques) : il ne s'agit pas là d'une généralisation sans motivation, car ce qu'on appelle maintenant l'analyse p-adique a pris dans ces dernières années une importance de plus en plus grande dans toutes les questions touchant la théorie des nombres algébriques (cf. théorie des nombres – Nombres algébriques).Toutefois, une étude plus poussée révèle que la possibilité de donner une définition de la notion de « fonction analytique » sur un corps valué complet quelconque K masque en réalité de profondes différences de comportement pour ces fonctions, selon la nature du « corps de base » K considéré. Déjà, entre le cas réel (K = R) et le cas complexe (K = C), il y a un clivage abrupt, la théorie des fonctions analytiques de variables complexes étant incomparablement plus riche et plus simple que celle des fonctions analytiques de variables réelles : pour ne citer qu'un exemple, la seule existence de la dérivée première pour une fonction d'une variable complexe la rend ipso facto analytique. La raison de cette différence doit être cherchée dans la théorie de Cauchy, fondée sur le merveilleux outil que constitue l'intégrale curviligne des fonctions de variable complexe, d'une souplesse et d'une puissance incomparables.
C'est seulement de cette théorie et de ses extensions qu'il est question dans les articles qui suivent. Jusqu'à la fin du xixe siècle, on ne s'est guère occupé que de la théorie des fonctions d'une seule variable complexe, qui offrait aux recherches un champ aussi vaste que riche (d'ailleurs loin d'être épuisé même à l'époque actuelle) : en dehors de ses innombrables applications dans toute l'analyse, la théorie de Cauchy rejoignait la géométrie différentielle par ses liens avec la représentation conforme et les surfaces minimales, la théorie du potentiel (en mathématiques et en physique) par ses étroites relations avec les fonctions harmoniques de deux variables, et (ce qui est sans doute le plus inattendu) l'arithmétique supérieure avec la théorie analytique des nombres (séries de Dirichlet, méthode de Hardy-Littlewood).[...]
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Écrit par
- Jean DIEUDONNÉ : membre de l'Académie des sciences
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