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FONDAMENTALISME (psychologie)

Article modifié le

Le terme « fondamentalisme » désignait, au début du xxe siècle, le mouvement protestant américain qui prônait un retour antimoderniste à certains « fondamentaux » du christianisme : infaillibilité de la Bible, historicité des miracles, véracité littérale de dogmes chrétiens. Progressivement, le terme s’est élargi pour désigner l’intransigeance idéologique en ce qui concerne les croyances, dans toutes les religions et même parfois dans des idéologies non religieuses. Aujourd’hui, il englobe aussi l’intégrisme, terme qui était traditionnellement appliqué à des mouvements caractérisés par l’observance stricte, intransigeante, des pratiques et des normes collectives au sein des religions traditionnelles.

La psychologie s’est intéressée au fondamentalisme, moins comme appartenance à des groupes spécifiques, mais plutôt en tant que tendance relevant des différences individuelles : tout croyant ou pratiquant en principe peut se retrouver en bas, au milieu ou en haut sur un continuum qui va de la religiosité non fondamentaliste à la religiosité fondamentaliste. Celle-ci peut tout simplement se définir comme dogmatisme (concept général en psychologie sociale) dans le domaine religieux. Le dogmatisme est défini comme étant l’adhésion à des croyances devant une évidence qui les contredit, et par le caractère intégraliste d’un système d’idées où l’ensemble des opinions, pratiques et croyances est fortement subordonné à un noyau de croyances centrales.

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Ce qui est spécifique au fondamentalisme religieux, par rapport à d’autres types de dogmatisme idéologique, c’est que, dans la religion, les croyances sont en interdépendance étroite avec les pratiques et les normes qui sont établies, légitimées et transmises par la communauté et l’institution. Ainsi, l’intransigeance des croyances se double d’une intransigeance des pratiques et des normes morales. En termes plus techniques, le dogmatisme religieux (m’attacher de manière inflexible à tout ce que je crois être universellement vrai selon mon système de pensée) est le plus souvent fortement intercorrélé avec l’orthodoxie et l’orthopraxie (suivre strictement les croyances, normes et pratiques du groupe) et donc l’adhésion à l’autorité (suivre ce que l’autorité, notamment religieuse, définit comme normatif), le conservatisme (s’attacher à des normes et pratiques traditionnelles venant du passé) et le littéralisme (privilégier une interprétation littérale et concrète du texte, des images, des rites, plutôt que plusieurs interprétations possibles, symboliques et abstraites).

C’est pourquoi le fondamentalisme peut aussi être défini comme étant de l’adhésion à l’autorité religieuse. Le fondamentalisme devient par conséquent le plus souvent un attachement inflexible à la « vérité », telle qu’elle a été définie par le passé. Toutefois, strictement parlant, les deux ne vont pas nécessairement de pair : il peut y avoir du fondamentalisme moderniste, libéral et rebelle, comme il peut y avoir des personnes orthodoxes/ orthopraxiques, mais non fondamentalistes, qui acceptent le fait que d’autres aient des croyances et des pratiques différentes, potentiellement valables également.

Les recherches en psychologie ont montré que les deux composantes sous-jacentes au fondamentalisme (d’une part, besoin d’ordre et de clôture cognitive, et, d’autre part, besoin de se conformer à ce que l’autorité définit comme normatif) sont des mécanismes explicatifs des préjugés, de la discrimination et parfois de l’agression envers une série d’exogroupes. Ceux-ci contiennent les membres des autres religions, les femmes (le sexisme paternaliste), les cibles qui sont perçues comme menaçant les valeurs (homosexuels, athées, femmes célibataires), mais aussi parfois des membres d’autres ethnies et races, surtout dans les études réalisées avant que le racisme ne devienne socialement répréhensible. Ces effets du fondamentalisme se révèlent assez constants à travers les études et se rencontrent communément dans les trois monothéismes : christianisme, islam et judaïsme.

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Tout en se manifestant dans une certaine continuité, le fondamentalisme religieux diffère toutefois de la religiosité « moyenne » (avoir globalement des attitudes positives envers Dieu et la religion, avoir une certaine pratique). Celle-ci prédit typiquement des préjugés et de la discrimination uniquement envers des exogroupes moraux, notamment les personnes homosexuelles et les athées, objets de méfiance morale, mais pas nécessairement envers les autres types d’exogroupes. Dans certains contextes, comme dans les pays protestants sécularisés ou auprès de jeunes Européens, la religiosité moyenne prédit même parfois du multiculturalisme, peu de xénophobie, et de la tolérance interreligieuse.

Enfin, par rapport à l’adhésion à une autorité non religieuse, par exemple politique, la dimension de « religiosité », qui, dans le fondamentalisme, s’ajoute à la structure autoritaire sous-jacente, présente une double conséquence. Soit elle exerce un certain frein à la violence gratuite, non légitimée, soit, au contraire, elle légitime la prédisposition agressive. Par exemple, les croyants « durs » dans un certain nombre de pays en Europe n’iront pas facilement voter pour des partis d’extrême droite, ce que les autoritaristes non religieux feront. Et la religiosité des fondamentalistes semble prédire, à la différence de l’autoritarisme, des attitudes prosociales envers des personnes proches et membres de l’endogroupe. Toutefois, cette tendance prosociale et endogroupale, typique de la religiosité commune, combinée avec la structure de personnalité autoritaire prédisposant à l’agression exogroupale, semble aussi expliquer le terrorisme religieux. Tuer les autres en croyant se sacrifier pour ses proches est un mécanisme motivationnel explicatif des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et d’autres actes similaires qui ont suivi.

— Vassilis SAROGLOU

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Écrit par

  • : professeur ordinaire, université catholique de Louvain (Belgique), responsable du Centre de psychologie de la religion

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