FONDAMENTALISME
Des cultures fondamentalistes différenciées
Devant la réalité d'une société pluraliste de plus en plus sécularisée, les fondamentalistes américains déploient des stratégies différenciées. Cinq sous-cultures se distinguent.
Le premier type est celui du fondamentalisme politique, qui valorise la confrontation dans l'arène publique sous la bannière des valeurs morales traditionnelles. Incarné par deux ténors, Jerry Falwell et Pat Robertson, il est le favori des télévisions. Volontiers opportuniste, ce type fondamentaliste doit faire face à une tension inconfortable : tout mettre en œuvre pour le succès, mais au prix de compromis avec des partenaires non fondamentalistes, ou s'en tenir au registre bibliste « pur et dur », au prix d'une marginalité dont ses leaders ne veulent pas.
Un type missionnaire se focalise quant à lui sur la Great Commission : l'appel du Christ à « faire des disciples ». La mission constitue un horizon indépassable qui mobilise les ressources symboliques, sociales et matérielles des communautés et des individus. Le profil de la Columbia International University (Caroline du Sud) se rapproche de ce type. Répartis dans 120 pays, y compris ceux du monde musulman, ses étudiants se réclament de cette devise : « connaître Christ et le faire connaître », que ce soit au milieu des musulmans pakistanais ou des H.L.M. de banlieue parisienne.
Le fondamentalisme « ascétique-rigoriste » confère une place centrale au comportement : langage, choix vestimentaires, coupe de cheveux, relations avec l'autre sexe. Si l'on « ne boit pas », « ne fume pas », n'emploie pas de mots grossiers, et si l'on va à l'office tous les dimanches, on a toutes les chances d'être fréquentable. Sinon... L'Université fondamentaliste Bob Jones, installée à Greenville (Caroline du Sud) est représentative de cette valorisation de la morale. Célèbre pour la rigueur de ses règles comportementales, elle encadre chaque année 5 000 étudiants..
À l'écart des métropoles, la culture communautaire des villages et bourgs ruraux a plutôt nourri le « fondamentalisme solidariste ». Il se caractérise par une méfiance viscérale pour le big business et met l'accent sur l'utopie communautaire du « christianisme primitif » L'hostilité manifestée par ces fondamentalistes au libéralisme théologique ne s'explique pas d'abord par des raisons doctrinales, mais par des motifs sociologiques : les libéraux éduqués leur semblent déconnectés des besoins de populations en situation de précarité. Pour ces dernières, ce qui compte, c'est un Dieu de certitudes et de miracles.
Enfin, le fondamentalisme « piétiste-orthodoxe » se définit dans le double accent mis sur la vie spirituelle (pratiques de piété : prière, lecture biblique) et l'immersion dans la « Parole de Dieu », sur la base d'une lecture fortement encadrée par des critères orthodoxes. C'est dans les Écritures que ces fondamentalistes pensent trouver la vérité du monde dans lequel ils vivent leur exil. Une des grandes institutions qui se rapproche de ce type est le Dallas Theological Seminary (Texas), fondée en 1924 par Lewis Sperry Chafer (1871-1952).
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Écrit par
- Sébastien FATH : agrégé d'histoire, chercheur au CNRS, laboratoire Groupe sociétés, religions, laïcités
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Média
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